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odieux et étranger. Il étoit confiné en prison pour le reste de ses jours, en commutation de la perte de sa tête, à quoi il avoit été juridiquement condamné plusieurs années avant la mort d’Henri IV.

La tyrannie de Marie de Médicis et de son maréchal d’Ancre souleva tout et arma les princes. Le maréchal d’Ancre éperdu ne put leur opposer que M. d’Angoulême, qui du cachot passa subitement à la tête de toutes les forces du roi, et qui s’en prévalut dans les suites. C’est l’exemple qui blessa M. d’Épernon qui ne voulut plus obéir aux maréchaux de France, et qui toujours depuis commanda des corps séparés dans une entière indépendance, et qui, se trouvant avec eux, comme à Saint-Jean d’Angély, à la Rochelle et ailleurs, eut son quartier et son commandement à part, sans prendre ni jamais recevoir leurs ordres. Mais entre les disparates trop familières à notre nation, celle qui regarde l’office des maréchaux de France est difficile à comprendre ; c’est le seul qui ait continuellement acquis, et qui se soutienne dans les honneurs les plus marqués et les plus délivrés de toute dispute, c’est aussi le seul que les princes, étrangers ou bâtards, dédaignent comme au-dessous d’eux. Jusque-là qu’il n’y a point d’exemple d’aucun qui ait été maréchal de France, tandis qu’ils courent tous après tous les autres offices de la couronne. En même temps, quelles différences de fonctions ! Le grand chambellan n’a plus que celles de servir le roi, quand il s’habille ou qu’il mange à son petit couvert ; il est dépouillé de tout le reste, et n’a nulle part aucun ordre à donner, ni qui que ce soit sous sa charge. Le grand écuyer met le roi à cheval, et commande uniquement à la grande écurie, en quoi, pour la réalité, il n’est pas plus que le premier écuyer. Le colonel général de l’infanterie et le grand maître de l’artillerie commandent, à la vérité, à des gens de guerre, mais ils se trouvent dans les armées, ils obéissent sans difficulté aux maréchaux de France. L’office de ceux-là est plus ancien que ces trois derniers,