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Noailles, le plus valet de tous les hommes, ne laissa pas de se recrobiller [1]. Quoique je ne fusse avec lui que très médiocrement en mesure, il s’avisa de me demander ce que je pensois d’une si étrange nouveauté. Je lui répondis froidement que, puisque ces sortes de princes nous précédoient nous autres pairs depuis quelques années au parlement, il ne devoit plus sembler surprenant qu’ils commandassent les maréchaux de France dans les armées.

Je sais l’exemple de Louis de La Trémoille qui n’avoit aucune prétention par naissance ni par rang ; je n’ignore pas ceux de la maison de Lorraine et de quelque chose de pareil pour M. d’Angoulême ; mais ces abus ne doivent pas tourner en règle. Je doute que du temps de Louis de La Trémoille les maréchaux de France fussent encore bien nettement officiers de la couronne comme ils le sont devenus depuis. Leur petit nombre fixé les rendoit plus considérables que leurs offices, qui à peine quittoient leurs premières fonctions militaires au sortir de l’écurie du roi, et très subalternes au connétable qui en étoit sorti avant eux ; et ces premières fonctions militaires étoient des chevauchées par le royaume qu’ils partageoient entre eux pour visiter les troupes, en faire les revues, et pourvoir à leur discipline et à leur subsistance. L’office de connétable n’étoit presque jamais vacant ; il offusquoit étrangement le leur. On sait quels étoient la faveur, la puissance, les établissements et le mérite personnel de Louis de La Trémoille sous qui tout ployoit alors, et qui s’en prévalut. Pour la maison de Lorraine, on aura répondu à tout en alléguant la tyrannie des Guise et de leur formidable Ligue. Qui fait des maréchaux de France peut bien les commander. M. de Mayenne en fit cinq ou six, parmi lesquels MM. de La Châtre et de Brissac furent reconnus pour tels par Henri IV à leur accommodement. Quant à M. d’Angoulême, ce fut le fruit d’un gouvernement

  1. Vieux mot qui est pris ici dans le sens de se regimber.