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ne se partialisât ; que le plus fort ne perdît le plus foible, et que ce plus fort seroit Vendôme, que nul frein, nulle crainte ne retiendroit, et qui avec sa cabale perdroit le jeune prince, et le perdroit sans retour. Que le vice incompatible avec la vertu rendroit la vertu méprisable sur ce théâtre de vices, que l’expérience accableroit la jeunesse, que la hardiesse dompteroit la timidité, que l’asile de la licence, et l’asile par art, pour se faire adorer, en rendroit odieux le jeune censeur, que le génie avantageux, audacieux, saisiroit tout, que les artifices soutiendroient tout, que l’armée, si accoutumée au crédit et au pouvoir de l’un et à l’impuissance de l’autre, abandonneroit en foule celui dont rien n’étoit à espérer ni à craindre, pour s’attacher à celui dont l’audace seroit sans bornes, et dont la crainte avoit tenu glacée toute l’encre d’Italie, tandis qu’il y avoit été.

M. de Beauvilliers, qui avec toute sa sagesse et sa patience commençoit à en être à bout, voulut ici prendre la parole ; mais je le conjurai de vouloir bien m’écouter jusqu’au bout sur une affaire qui en entraînoit tant d’autres. « Mais est-il possible, me dit-il, qu’il vous reste encore quelque chose ? Et quelque chose, répondis-je, de plus important encore, si vous voulez bien mien donner le temps. » Je lui dis qu’après avoir traité l’armée, il falloit venir à la cour. Mais pour m’entendre ici, il faut se souvenir de sa situation, et surtout de ce que j’ai expliqué (t. III, p. 195 et suiv.) de Mlle de Lislebonne, de Mme d’Espinoy, des mêmes encore, de leur oncle de Vaudemont (p. 2 et suiv. de ce volume) de leur union avec Mlle Choin et Mme la Duchesse d’une part, avec MM. du Maine et de Vendôme de l’autre, de leur autorité sur Chamillart, de Mme de Soubise, et de Mme de Maintenon à l’égard de toutes ces personnes.

Je dis donc à M. de Beauvilliers qu’il falloit ajouter à tout ce que je venois de lui représenter la part qu’y pouvoient prendre les cabales de la cour. « Le roi, monsieur, a