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et la disposition des généraux telle que je l’ai racontée, et là aussi où je lui fis les objections sur l’électeur de Bavière que j’ai expliquées, sur quoi il me répondit qu’il avoit fallu tout faire céder à la nécessité d’envoyer Mgr le duc de Bourgogne en Flandre. De là il se mit à enfiler les raisons en détail. Il me dit que, dans le découragement des affaires, il étoit important de les remonter et de donner une nouvelle vigueur aux troupes par la présence de l’héritier nécessaire ; qu’il étoit indécent qu’il languît dans l’oisiveté à son âge, tandis que sa maison brûloit de toutes parts ; que le roi d’Angleterre alloit à la guerre ; qu’il étoit plus que temps que M. le duc de Berry la connût, et qu’il ne seroit pas soutenable de l’y envoyer, et en même temps de retenir son frère ; que la licence étoit montée en Flandre, et, par ceux-là mêmes qui la devoient le plus empêcher ; à un point qu’il n’y avoit plus de remède à y espérer que de l’autorité de ce prince ; que cette licence étoit la cause principale de tous les malheurs, puisque la discipline et la vigilance sont l’âme des armées ; qu’il étoit infiniment utile de profiter de tout ce que ce prince avoit montré en ses deux uniques campagnes de goût et de talent pour la guerre, afin de l’y former et de l’y rendre capable ; que le Dauphiné et l’Allemagne n’étant pas dignes de lui par le rien ou le peu qu’il y avoit à y faire, il n’y avoit que la Flandre où il pût aller ; que ces raisons étoient toutes si fortes qu’elles avoient enfin très sagement déterminé.

J’approuvai fort ce qu’il me dit sur l’oisiveté des princes et l’utilité de les former à la guerre, mais j’osai contester tout le reste. Je dis qu’il eût été fort à souhaiter que Mgr le duc de Bourgogne eût continué de commander les armées, et je m’étendis là-dessus ; mais je soutins qu’après une discontinuation de plusieurs campagnes, après tant de pertes et de malheurs, dans une nécessité de toutes choses, avec des troupes si accoutumées à se défier de la capacité de leurs généraux, et qu’à force de mauvaise conduite on avoit mises