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pas entendu le propos de parenté si patiemment, et qu’il se devoit contenter de ce que je lui laissois faire ce que bon lui sembloit sur le nom et les armes qu’il prenoit, sans vouloir encore être reconnu pour être ce qu’il n’étoit pas, et ce qu’il ne pouvoit prouver qu’il fût, puisqu’il n’avoit pas encore tenté de le faire. 

Revenu à Versailles, je trouvai le duc d’Aumont sortant de chez le chancelier comme j’y entrois. Il m’arrêta dans l’antichambre, et me fit un grand préambule du désespoir de Rouvroy, et qu’il n’étoit pas permis d’attaquer les gens sur leur naissance, et du bruit que cela faisoit. Je me mis à rire et à lui dire que j’attaquois si peu cet homme sur sa naissance, que je ne m’étois pas seulement donné la peine de savoir qui il étoit et de quel droit il prenoit le nom et les armes qu’il portoit ; mais de penser qu’à force de bruit, de plaintes et de langages, il me feroit ou l’avouer, ou consentir tacitement qu’on le crût de ma maison, il pouvoit être bien persuadé que je n’en ferois rien. M. d’Aumont me répondit que ces sortes d’affaires étoient toujours délicates et désagréables ; que c’étoit par amitié et par intérêt pour moi qu’il me parloit ; qu’il ne falloit pas avoir toujours tant de délicatesse sur les parentés ; que Rouvroy étoit enragé et résolu de porter ; ses plaintes au roi. Je répondis encore avec le même sang-froid que, si Rouvroy étoit assez fou pour se plaindre au roi de ce que je ne le voulois pas reconnoître, j’aurois l’honneur de lui en dire les raisons, qu’il goûteroit, je croyois, autant que celles de Rouvroy ; qu’en un mot, ce n’étoit point là une affaire de crierie, mais de preuves, à quoi je reviendrois toujours ; que tout ce bruit ne m’émouvroit pas le moins du monde, mais que je me persuadois qu’il nuiroit fort à qui y avoit recours, faute de preuves si aisées à montrer, s’il en avoit, et si ridicules à prétendre, s’il n’en avoit pas. Je laissai ainsi M. d’Aumont peu content de la commission qu’il avoit apparemment prise par amitié pour lime de Rouvroy, et de l’effet de son éloquence. Je ne