Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/213

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parfaitement. Monsieur l’envoya prier de passer au Palais-Royal. Il y raconta à lui et à Madame le fait, et ce qui s’étoit passé entre lui et ces femmes, de manière que l’un et l’autre en demeurèrent satisfaits, et leur conseillèrent de se taire dès qu’elles n’avoient point de preuves à montrer. Cela finit tout court de la sorte, et leur frère se maria.

Ce seroit ici le lieu d’expliquer mon nom et mes armes, et comment avec un nom que je ne porte point et la moitié des armes que j’écartèle, c’étoit prétendre en effet être de ma maison ; la parenthèse en seroit trop longue : elle se trouvera mieux placée parmi les Pièces, pour ne pas interrompre le fil de la narration. Bien des années se passèrent sans plus en entendre parler. La personne que Rouvroy avoit épousée étoit fille de la sous-gouvernante des filles de Monsieur, et de feu Madame sa première femme. Elle se trouva une personne d’esprit, de vertu, de douceur, et d’un véritable mérite, extrêmement bien avec Mme la princesse de Conti, et ne bougeant de chez elle, sur un pied d’amitié, d’estime et de confiance, et tout aussi aimée et comptée de Mlle de Lislebonne, de Mme d’Espinoy et de Mme d’Urfé, et très bien avec Mmes de Villequier, puis d’Aumont, et de Châtillon, sa soeur. Monseigneur même, qui, dans ces temps-là, ne bougeoit de chez Mme la princesse de Conti, prit de la bonté pour elle, et elle fut toujours de tout avec eux. À la fin le mari ou la femme s’ennuyèrent d’un état agréable à Versailles et à Fontainebleau, mais non à la cour. Pour en être, c’est-à-dire, des fêtes et des voyages de Marly, il falloit pouvoir être admise à table et dans-les carrosses, comme les femmes de qualité ; c’est ce qui manquoit à l’agrément solide de sa vie, et c’est ce qui eût été de plain pied son mari étant de ma maison. Il se mit donc à me faire sa cour dans les galeries, puis à venir quelquefois chez moi les mâtins, en homme qui me faisoit sa cour comme à un ami de M. de Pontchartrain, pour son avancement dans la marine. Je le recevois civilement ; je lui fis même plaisir