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peu de bien, [avec] l’héritage de la branche de Montcavrel, et une très longue vie tout appliquée à former une opulente maison, ils y parvinrent. Le mariage de leur second fils avec la parente de Mme de Maintenon, qu’elle fit dame d’atours de Mme la duchesse de Bourgogne, leur fit obtenir en 1701 des lettres patentes dérogeant en leur faveur à tous édits, déclarations et coutumes, qui autorisèrent la substitution qu’ils firent du marquisat de Nesle et d’autres terres pour plus de quarante mille écus de rente en faveur des mâles à perpétuité. À tout ce qui est arrivé depuis au marquis de Nesle, leur petit-fils, qui leur a immédiatement succédé, il n’a pas paru que Dieu ait béni ou l’acquisition de ces biens, ou la vanité d’avoir laissé sans aucune sorte de portion, même viagère, les filles et les cadets sur cette substitution.

Le duc d’Uzès perdit aussi sa grand’mère paternelle depuis longtemps retirée, fort vieille. C’étoit une femme de grand mérite et de beaucoup de piété. Elle étoit d’Apchier, c’est-à-dire de la branche aînée de la maison de Joyeuse, grande et fort ancienne, dont la diversité du nom et des armes que portent ses diverses branches les font souvent méconnoître pour sorties masculinement de la même tige. Le nom de la maison est Châteauneuf, seigneur de Randon.

Brissac, major des gardes du corps, qui n’étoit ni ne se prétendoit rien moins que des Cossé, mais un fort simple gentilhomme tout au plus, se retira dans ce temps-ci de la cour chez lui à la campagne, où il mourut bientôt après d’ennui et de vieillesse à plus de quatre-vingts ans. C’étoit, de figure et d’effet, une manière de sanglier qui faisoit trembler les quatre compagnies des gardes du corps, et compter avec lui les capitaines, tout grands seigneurs et généraux d’armée qu’ils fussent. Le roi s’étoit servi de lui pour mettre ses gardes sur ce grand pied militaire où ils sont parvenus, et pour tous les détails intérieurs de dépense, de règle, de service et de discipline ; et il s’étoit