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seigneurs principaux qu’il lui nomma ; que ces seigneurs étoient assurés de plus de vingt mille hommes du pays prêts à prendre les armes, et de toute la ville qui n’attendoit que son arrivée pour le proclamer. Rambure se mit ensuite à descendre la rivière pour chercher à rejoindre [l’escadre], dont il étoit d’autant plus en peine que ce qu’il venoit de voir et d’apprendre étoit plus satisfaisant. Approchant de l’embouchure, il entendit un grand bruit de canon à la mer, et, peu après, il aperçut beaucoup de vaisseaux de guerre. Approchant de plus en plus, et, sortant de la rivière, il distingua l’escadre de Forbin poursuivie par vingt-six gros navires de guerre, et de quantité d’autres bâtiments, dont il perdit bientôt de vue tant notre escadre que de l’avant-garde des ennemis. Il continua de hâter sa route pour joindre, mais il ne put arriver que tout n’eût dépassé l’embouchure. Alors, après avoir évité les plus reculés de l’arrière-garde anglaise, il remarqua que leur flotte donnoit une rude chasse au roi d’Angleterre, qui longeoit cependant la côte parmi le feu du canon et souvent de la mousqueterie. Rambure essaya longtemps de profiter de la légèreté de sa frégate pour gagner la tête, mais toujours coupé par des vaisseaux ennemis et toujours en danger d’être pris, il prit le parti de revenir à Dunkerque, d’où il fut aussitôt dépêché à la cour pour y porter ces tristes et inquiétantes nouvelles. Elles furent suivies, cinq ou six jours après ; du retour du roi d’Angleterre, qui rentra le 7 avril à Dunkerque avec peu de ses vaisseaux, fort maltraités.

Ce prince, après la tempête qu’il essuya d’abord, ayant repris sa route avec son escadre rassemblée, se perdit de son chemin deux fois vingt-quatre heures, ce qui, sans la violence des vents qui étoit cessée, n’est pas aisé à comprendre dans la traversée de la hauteur des bancs d’Ostende, où ils s’étoient jetés pendant la tempête, à la rivière d’Édimbourg. Cette méprise donna le temps aux Anglois de les joindre, sur quoi le roi d’Angleterre tint conseil sans y