Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/189

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Ce fut par lui que le projet fut admis. Hough, gentilhomme anglois, plein d’esprit et de savoir, et qui surtout possédoit les lois de son pays, y avoit fait divers personnages. Ministre de profession et furieux contre le roi Jacques, puis catholique et son espion, il avoit été livré au roi Guillaume qui lui pardonna. Il n’en profita que pour continuer ses services à Jacques. Il fut pris plusieurs fois, et s’échappa toujours de la Tour de Londres et d’autres prisons. Ne pouvant plus demeurer en Angleterre, il vint en France, où, vivant en officier, il s’occupa toujours d’affaires, et fut payé pour cela par le roi et par le roi Jacques, au rétablissement duquel il pensoit sans cesse. L’union de l’Écosse avec l’Angleterre lui parut une conjoncture favorable par le désespoir de cet ancien royaume de se voir réduit en province sous le joug des Anglois. Le parti jacobite s’y étoit conservé ; le dépit de cette union forcée l’accrut dans le désir de la rompre par un roi qu’ils auroient rétabli. Hough, qui conservoit partout des intelligences, fut averti de cette fermentation ; il y fit des voyages secrets, et, après avoir frappé longtemps ici à diverses portes de ministres, Caillières, à qui il s’ouvrit, en parla au duc de Chevreuse, puis au duc de Beauvilliers, qui y trouvèrent de la solidité. C’étoit un moyen sûr de faire une diversion puissante, de priver les alliés du secours des Anglois occupés chez eux, et les mettre dans l’impuissance de soutenir l’archiduc en Espagne, et dans l’embarras partout ailleurs dénués des forces anglaises. Les deux ducs gagnèrent Chamillart, puis Desmarets tout à la ’fin, dès qu’il fut en place. Mais le roi étoit si rebuté des mauvais succès qu’il avoit si souvent éprouvés de ces sortes d’entreprises, que pas un d’eux n’osa la lui proposer. Chamillart ne faisoit qu’y consentir. Épuisé de corps et d’esprit, accablé d’affaires, il n’étoit pas en situation de devenir le promoteur de cette affaire. Chevreuse en parla au chancelier pour voir s’il la goûteroit et s’il voudroit persuader son fils dont le ministère devenoit principal en ce genre. Le chancelier y