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de Tésut, et M. le duc d’Orléans, avec ce foible qu’il a toujours eu pour lui, et qui semble devenu une plaie fatale aux princes pour leurs précepteurs, mouroit d’envie de la lui donner. Mme la duchesse d’Orléans, dont pourtant il avoit achevé le mariage, ne craignoit rien davantage, parce qu’elle le connoissoit, et le roi, qui le connoissoit encore bien mieux, s’y opposa si décisivement que son neveu n’osa passer outre. Il donna donc la charge à l’abbé de Tésut, frère de celui qui venoit de mourir, tout aussi honnête homme que lui, mais tout aussi atrabilaire, et qui avoit été employé en Hollande, en Allemagne et à Rome pour les affaires de la succession palatine entre Madame et l’électeur palatin. L’abbé Dubois ne put digérer cette exclusion. Ne pouvant s’en prendre au roi ni guère à Mme la duchesse d’Orléans, son désespoir se tourna contre l’émule qui l’avoit emporté sur lui. Jamais il ne lui pardonna, non pas même après que la fortune aveugle l’eut élevé sur le plus haut pinacle. Il n’est pas temps de s’étendre sur cet étrange compagnon.

Le roi voulut savoir les gens qui devoient suivre M. le duc d’Orléans en Espagne, et ne voulut pas permettre que Nancré en fût. Le voyage de sa belle-mère avec Mme d’Argenton l’avoit gâté auprès du roi. Il avoit obtenu une audience pour s’en justifier à son retour de Dauphiné, comme je l’ai dit alors ; il crut y avoir réussi et se trouva bien étonné de ce coup de caveçon. Il ploya les épaules ; mais en compère adroit, plein d’esprit, de fausseté et de manéges, à qui les moyens quels qu’ils fussent ne coûtoient rien, il espéra bien de se relever.

Parmi ceux qui devoient être de la suite du voyage M. le duc d’Orléans nomma Fontpertuis. À ce nom, voilà le roi qui prend un air austère : « Comment, mon neveu, lui dit le roi, Fontpertuis, le fils de cette janséniste, de cette folle qui a couru M. Arnauld partout ! je ne veux point de cet homme-là avec vous. — Ma foi, sire, lui répondit M. le duc d’Orléans, je ne sais pas ce qu’a fait la mère, mais pour le fils,