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leurs pointilleries. Desmarets n’étoit pas de meilleure condition qu’Armenonville. Si l’un étoit neveu de Colbert, l’autre étoit beau-frère de Pelletier le ministre. Mais le cruel compliment de ce dernier en congédiant Desmarets, que, j’ai rapporté (t. II, p. 407), étoit sans doute le germe de cette haine qu’il ne put retenir avec moi dans ce moment de prospérité, quoiqu’il ne pût ignorer que je fusse de ses amis, et la joie de pouvoir l’humilier et s’en défaire. Je quittai Desmarets l’esprit rempli de réflexions sur les étranges mutations de ce monde, et de doute d’une grande et indissoluble union entre Chamillart et Desmarets.

L’instant de l’élévation d’un contrôleur général libre de tout autre emploi fut celui de la suppression des deux directeurs des finances, qui n’avoient été faits que pour le soulagement de Chamillart. Le roi voulut que Desmarets fût remboursé de [sa charge] ; et pour Armenonville, on chercha quelqu’un qui voulût acheter bien cher une nouvelle place d’intendant des finances. Le roi acheva le payement par l’érection d’une capitainerie nouvelle du bois de Boulogne, avec la jouissance du château de la Muette, et la survivance pour son fils, et une pension de douze mille livres. Il lui conserva aussi son logement au château de Versailles ; mais en même temps il le priva de l’entrée au conseil des finances, et le réduisit à la sèche fonction de simple conseiller d’État : encore lui donna-t-il un dégoût inusité. La moitié des conseillers d’État est ordinaire, l’autre moitié semestre [1]. Cette différence est plutôt un nom qu’une chose ; mais les semestres, sont touchés de monter à ordinaires, et le roi avoit toujours coutume de faire monter l’ancien. Armenonville l’étoit : Fourcy mourut, il demanda à monter ; Voysin, son cadet, fut préféré. Ce pauvre homme, si entêté

  1. Les conseillers d’État ordinaires étaient en fonction toute l’année ; les semestres, pendant six mois seulement.