Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/176

Cette page n’a pas encore été corrigée

soit pour être disculpé des impossibilités qui se trouveroient dans les affaires, soit aussi pour profiter auprès de lui des ressources qu’il pourroit trouver. Comme il me parla avec beaucoup de confiance, et qu’il ne laissa pas de me laisser entrevoir qu’il n’estimoit pas tout ce qu’avoit fait Chamillart, je me licenciai à lui bien représenter les obligations qu’il lui avoit, et sur ce qu’il en voulut mettre quelque chose sur le compte du chancelier, je ne le marchandai pas, et je lui remis bien expressément devant les yeux que celui-là n’avoit que désiré, mais que l’autre avoit effectué ; que du néant d’une disgrâce obscure et douloureuse par son prétexte et sa longueur, il l’avoir à force de bras ramené sur l’eau pour l’honneur et pour la fortune, et lui avoit enfin donné sa propre place. Je m’échappai même jusqu’aux considérations de reconnoissance et d’ingratitude. Desmarets les reçut bien. À ce propos il me dit que, s’il se trompoit désormais en amis, ce seroit bien sa faute, puisque vingt ans de disgrâce lui avoient appris à les bien démêler. J’en pris occasion de lui toucher un mot de quelques personnes considérables sur lesquelles je lui trouvai une mémoire nette et présente.

Je lui dis en même temps que, depuis qu’il étoit rentré dans les finances, il devoit savoir les gens qui y faisoient des affaires ; que j’étois bien assuré qu’il n’y trouveroit Mme de Saint-Simon et moi pour rien ; que nous avions toujours abhorré ces sortes de moyens d’avoir, et que, du temps de Pontchartrain et de celui de Chamillart, nous n’avions jamais voulu nous salir les mains d’aucune ; que tout ce que je lui demanderois seroit accès facile, payement de mes appointements et marques de considération et d’ancienne amitié dans les affaires qu’on ne pouvoit éviter d’avoir avec la finance, depuis que tout l’étoit devenu, et qu’il n’y avoit patrimoine qui ne passât souvent devant messieurs des finances, à raison des taxes, des impositions, des droits qui s’imaginoient tous les jours, tellement qu’il