Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/171

Cette page n’a pas encore été corrigée

joie et magnificence, mais sans rien d’outré, et la nouvelle marquise de Cani jouit environ six semaines de toute la splendeur de son beau-père. Mais sa santé devenant tous les jours plus mauvaise et son crédit plus tombé, faute d’avoir pu tenir tous les engagements que la nécessité des affaires lui avoit fait contracter, et que cette même nécessité l’empêchoit de remplir, il songea tout de bon à tirer de ce mariage le principal avantage qu’il s’en étoit proposé.

De longue main, Chamillart avoit préparé sa besogne en faisant valoir celle de Desmarets en toute occasion, et en se déchargeant sur lui des affaires les plus importantes que sa santé ne lui permettoit pas de suivre d’assez près. Il avoit de plus commencé à sentir que la nécessité des affaires s’étoit enfin montrée au roi de manière à le laisser abdiquer, et il connoissoit trop Mme de Maintenon pour n’avoir pas remarqué du changement en elle depuis la proposition du mariage de son fils. Il en jugea, mais trop tard, qu’il étoit tellement temps de remettre les finances, qu’elles lui seroient arrachées pour peu qu’il différât à lui en donner la satisfaction. Cette découverte le dégoûta de telle sorte, qu’il fut extrêmement tenté de se défaire de tout à la fois, et d’en laisser démêler la fusée à son fils. Il le fut au point qu’il n’en put être détourné qu’à peine par toute l’autorité de la famille à laquelle il venoit de s’allier, et par les désespoirs de sa femme. C’est un secret que je sus dès lors par la duchesse de Mortemart, que cela ne consola pas du mariage auquel elle s’étoit laissé entraîner malgré elle. Le roi étoit alors à Marly. Il étoit piqué de ce que Mme de Saint-Simon et moi avions quitté la danse qu’il nous avoit fait continuer d’autorité jusqu’à cette année. Je ne crus pas qu’à trente-quatre ans que j’avois lors, elle me parât du ridicule de la pousser si loin. On dansoit à Marly, et nous ne fûmes point du voyage. J’étois à l’Étang, où Chamillart, presque toujours au lit, et presque point au travail, s’amusoit avec sa famille. M’étant trouvé seul avec lui, il me confia ce qu’il