Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/12

Cette page n’a pas encore été corrigée

France, crut du bel air d’être de ses amis, et se piqua toute sa vie d’en être. Vaudemont ne tarda pas à s’apercevoir que ses gentillesses ne le mèneroient à rien de solide ici. Il s’en alla aux Pays-Bas, entra au service des ennemis de la France, fit sa cour au prince d’Orange et aux ministres de la maison d’Autriche. Il alla en Espagne, où, appuyé de force patrons qu’il s’étoit ménagés, il obtint une grandesse à vie pour se donner un rang et un état de consistance, puis la Toison d’or pour se décorer. C’étoit en 1677, au temps de la plus forte guerre de la France contre la maison d’Autriche. On a vu en son lieu à quel point il se déchaîna contre elle pour plaire, et avec tant d’insolence, à Rome, où il alla d’Espagne, que le roi ne dédaigna pas de se montrer piqué sur le personnel qu’il avoit osé attaquer, et le fit sortir honteusement de Rome par ordre du pape. Il alla en Allemagne, où il sut se faire un mérite de cette aventure auprès de l’empereur, qui le protégea toujours depuis et le fit prince de l’empire, et auprès du prince d’Orange, si personnellement mal avec le roi. Il sut plaire à ce dernier par ses grâces, par son esprit, par son adresse, par leur haine commune, au point d’entrer dans sa plus intime confiance, qu’il accordoit à si peu de gens. On en a vu des marques à l’occasion de la dernière campagne de Louis XIV en Flandre, et de son brusque retour à Versailles, en 1693. Cette affection du roi Guillaume le mit à la tête de l’armée de Flandre, où nous l’avons vu échapper si belle, grâce à M. du Maine, dont le maréchal de Villeroy sut si habillement faire sa cour au roi. Enfin, la protection du roi Guillaume et de l’empereur lui valurent de Charles II le gouvernement général du Milanois.

On a vu avec quelle dangereuse dextérité il s’y comporta, après n’avoir osé ne pas y faire proclamer Philippe V, et combien sa soumission fut ici portée, vantée et applaudie. L’aveuglement fut constant sur lui par son adresse et la puissante cabale qui le portoit, et on vient de voir qu’après la mort de son fils, feld-maréchal des armées impériales, et