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femmes de qualité sans titre, et ne pas abuser de l’honneur étrange et si nouveau de se trouver comme l’une d’elles, et se bien souvenir toujours de l’extrême différence qu’il y avoit, et qui y seroit toujours ; qu’on voyoit bien à cette impertinence (ce fut le mot dont il se servit) le peu d’où elle étoit sortie, et que les femmes de secrétaires d’État qui avoient de la naissance, se gardoient bien de sortir de leurs bornes, comme par exemple, Mme de Pontchartrain qui, par sa naissance se pouvoit mêler davantage avec les femmes de qualité, prenoit tellement les dernières places, et cela si naturellement et avec tant de politesse, que cette conduite ajoutoit infiniment à sa considération, et lui procuroit aussi des honnêtetés qui, depuis son mariage, étoient bien loin de lui être dues.

Après ce panégyrique de Mme de Pontchartrain, sur lequel le roi prit plaisir à s’étendre, il acheva de combler l’assistance d’étonnement ; car, reprenant sa première colère que le long discours sembloit avoir amortie, il se mit à exalter la dignité des ducs et fit connoître pour la première fois de sa vie qu’il n’en ignoroit ni la grandeur, ni la connexité de cette grandeur à celle de sa couronne et de sa propre majesté. Il dit que cette dignité étoit la première de l’État ; la plus grande qu’il pût donner à son propre sang, le comble de l’honneur et de la récompense de la plus haute noblesse. Il s’abaissa jusqu’à avouer que, si la nécessité de ses affaires et de grandes raisons l’avoient quelquefois obligé d’élever à ce fait de grandeur (ce fut encore sa propre expression) quelques personnes d’une naissance peu proportionnée, ç’avoit été avec regret ; mais que la dignité en soi n’en étoit point avilie ni en rien diminuée de tout ce qu’elle étoit, qu’elle demeuroit toujours la même, et tout aussi respectable à chacun, aussi entière d’ans tous ses rangs, ses distinctions, ses privilèges, ses honneurs en ces sortes de ducs, considérables et vénérables à tous, dès là qu’ils étoient ducs, comme ceux de la plus grande naissance, puisque