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l’un et l’autre. C’étoit l’homme du monde qui étoit le plus attentif à toutes ces petites choses, et il étoit exactement informé chaque jour des gens de la cour qui arrivoient à Fontainebleau, où il aimoit surtout à l’avoir grosse et distinguée. Le jour suivant, passant par son antichambre, allant ailleurs l’après-dînée, je le rencontrai qui passoit chez Mme de Maintenon. À l’instant il me demanda de mes nouvelles. Je répondis avec respect et brièveté, et, sans le suivre, je continuai mon chemin. Aussitôt je m’entendis rappeler. C’étoit le roi qui me parloit encore. À cette fois, je n’osai plus quitter, et je le suivis jusqu’où il alloit. Il sentoit quand il avoit fait, peine ou injustice, et quelquefois même assez souvent il cherchoit à faire distinction, et ce qui dans un particulier supérieur s’appelleroit honnêteté. Ce narré m’a conduit à Fontainebleau plus tôt que de raison, il faut retourner un peu en arrière. Mais auparavant je dirai que, quoique pressé souvent de me trouver aux communions du roi depuis, et en des temps où il n’y avoit point de princes du sang à la cour, car les bâtards ne s’y étoient pas encore présentés, je ne pus jamais m’y résoudre, et jamais je n’y ai été depuis.

Il arriva une aventure à Marly, peu avant Fontainebleau, qui fit grand bruit par la longue scène qui la suivit, plus étonnante qu’on ne se le peut imaginer à qui a connu le roi. Toutes les dames du voyage avoient alors l’honneur de manger soir et matin, à la même heure, dans le même petit salon qui séparoit l’appartement du roi et celui de Mme de Maintenon. Le roi tenoit une [table] où tous les fils de France et toutes les princesses du sang se mettoient, excepté M. le duc de Berry, M. le duc d’Orléans et Mme la princesse de Conti, qui se mettoient toujours à celle de Monseigneur, même quand il étoit à la chasse. Il y en avoit une troisième plus petite où se mettoient, tantôt les unes, tantôt les autres ; et toutes trois étoient rondes, et liberté à toutes de se mettre à celle que bon leur sembloit. Les princesses