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de Bourges, Gesvres, à qui cela fût arrivé auparavant lui, encore par les circonstances que j’ai rapportées en leur temps. Mon ami fut moins touché de se voir sorti de l’état commun où il étoit, et d’être tout à coup archevêque, que de l’être d’Arles. Bordeaux qui fut donné le même jour à Besons, évêque d’Aire, mort depuis archevêque de Rouen, ne lui auroit pas plu de même.

La position d’Arles, par rapport à l’Italie et à Avignon, le charma. Il se proposa bien d’en tirer tout le parti possible, et il me le confia. Dans ses vues il voulut joindre le mérite du courtisan avec celui de la résidence. Il dit au roi, en prenant congé, qu’il ne pouvoit se résoudre à être longtemps sans le voir, et qu’il le supplioit de trouver bon qu’il vînt passer trois semaines tous les ans à Versailles, qui seroit le seul objet de son voyage. En effet, il n’y manqua point et ne s’arrêtoit point à Paris. Il débarquoit chez moi ; je le couchois dans un trou d’entresol qui me servoit de cabinet, et le roi lui savoit le meilleur gré du monde d’une conduite qui lui manquoit un attachement dont il étoit jaloux, sans entamer les devoirs de l’épiscopat et de la résidence ; et l’archevêque en profitoit pour voir par lui-même tous les ans ce que les lettres ne lui pouvoient pas apprendre. Son premier soin, en arrivant à Arles, fut de prévenir le vice-légat d’Avignon de toutes sortes de civilités et de devoirs. Le vice-légat y répondit avec empressement : c’étoit Gualterio qui mouroit d’envie de venir ici nonce. Il avoit dressé ses batteries à Rome pour cela, et il faisoit de ce côté-ci tout ce qu’il croyoit l’y pouvoir faire réussir. Les trois grandes couronnes, c’est-à-dire l’empereur, le roi et le roi d’Espagne, ont le privilège que le pape leur propose trois ou quatre sujets, et celui qu’ils choisissent est nommé à la nonciature auprès d’eux, de laquelle il est comme certain qu’ils ne retournent que cardinaux.

Gualterio avoit infiniment d’esprit, et un esprit réglé, sensé, sage, prudent, mais gai et souple, beaucoup d’agrément