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beaucoup de petites affaires secrètes, ne put se résoudre à se passer d’un homme si fin, si habile, si rompu dans un ministère si obscur et si intéressant. Voysin, appuyé de son adroite femme que Mme de Maintenon aimoit beaucoup, approché d’elle par l’intendance de Saint-Cyr qu’elle lui donna lorsque Chamillart entra dans le ministère, étoit le candidat sur lequel on jetoit les yeux depuis longtemps pour toutes les grandes places de sa portée. De Mesmes, porté par M. du Maine et par quelques valets intérieurs, se flattoit d’arriver. Mais l’heure de ces trois hommes n’étoit pas venue.

Celle d’un quatrième étoit encore plus éloignée pour qui je désirois cette place, sans avoir jamais eu aucune liaison avec lui. C’étoit d’Aguesseau à qui ses conclusions dans notre procès de préséance contre M. de Luxembourg m’avoient dévoué, et dont la réputation m’encourageoit à prétendre. Il n’avoit pour lui que cet appui de sa propre réputation qui en tout genre effaçoit toutes les autres du parlement, et celle de son père devant laquelle toutes celles du conseil disparaissoient. Je désirois passionnément le fils à cause de ses conclusions, à son défaut au moins son père. Celui-ci étoit fort connu du roi qui le voyoit depuis longtemps dans son conseil des finances. MM. de Chevreuse et de Beauvilliers l’aimoient et l’estimoient singulièrement. Je les attaquai tous deux à plus d’une reprise ; à mon grand étonnement je n’en espérai rien. Je les fis sonder d’ailleurs pour découvrir ce que ce pouvoit être avec aussi peu de succès. Je m’avisai de dresser une batterie dans l’intérieur par Maréchal, et par celui-là d’y joindre Fagon, qui pouvoit également et directement atteindre au roi et à Mme de Maintenon. Fagon étoit heureusement prévenu d’estime pour le procureur général, et plus heureusement encore, c’étoit l’estime qui presque toujours le déterminoit, et quand il faisoit tant que de vouloir servir, il savoit frapper à propos de grands coups. Mais il craignit que le soupçon de jansénisme, si aisé à donner et à prendre, et dont le père et le fils n’étoient pas exempts,