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la grande affaire qu’ils se proposoient depuis tant d’années, à laquelle le prince d’Orange avoit échoué. Ce fut ce qu’ils appelèrent l’union de l’Écosse, et ce que plus exactement les Écossois appelèrent réduire l’Écosse en province. Son indépendance de l’Angleterre dura tant que durèrent ses parlements. À force de menées, d’argent et de persévérance, le parlement d’Écosse consentit en ce commencement d’année à être abrogé et à ne faire plus qu’un seul parlement pour les deux royaumes avec celui d’Angleterre, moyennant certains privilèges particuliers maintenus, et que l’Écosse seroit représentée aux parlements d’Angleterre par douze pairs d’Écosse, élus par les pairs de ce royaume, qui s’assembleroient pour cette élection seulement, à Édimbourg, sous la présidence d’un pair écossois nommé par le roi, alors par la reine Anne. Ce nombre, si inférieur à celui des pairs anglois et dans Londres, n’étoit pas en état de rien balancer de ce qui se proposeroit dans les parlements. On les leurra de l’influence qu’ils auroient, comme les pairs anglois, sur ce qui regarderoit l’Angleterre même ; et à la fin cela passa sous la condition que le parlement désormais ne s’appelleroit plus que le parlement de la Grande-Bretagne. Ainsi plus d’embarras du côté de l’Écosse pour le commerce ni pour aucune partie du gouvernement, dont les Anglois devinrent entièrement les maîtres, sans qu’on puisse comprendre comment une nation si fière, si ennemie de l’anglaise, si instruite par ce qu’elle en avoit éprouvé dans tous les temps, si jalouse de sa liberté et de son indépendance, put baisser la tête sous ce joug.

Le marquis de Brancas, qui servoit en Espagne, vint rendre compte au roi de l’état des troupes et des affaires militaires de ce pays-là, et recevoir ses ordres sur la campagne prochaine. Il étoit destiné à servir en Castille, dans le corps séparé que le marquis de Bay y devoit commander, lequel M. de Bay, pour le dire en passant, étoit un Franc-Comtois, fils d’un cabaretier : c’étoit un homme d’esprit et de valeur,