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alliances étrangères s’il livroit l’aîné au supplice. Il le changea aux plus grands honneurs et aux plus solides biens, et se les acquit par de si prodigieux bienfaits qu’il sacrifia à l’appui qu’il en espéroit contre les puissances ennemies qui, sous l’aveu de Gaston et de M. le Prince, le vouloient chasser pour toujours du royaume. Il fit donc faire un échange de Sedan et de Bouillon, dont M. de Bouillon se réserva l’utile, et ne céda que la souveraineté, qui n’exista jamais que de fait, et depuis si peu, et qu’il n’étoit plus en situation de soutenir, au lieu de laquelle il eut le comté d’Évreux avec les bois et les dépendances, qui valoient plus de trois cent mille livres de rentes, et les duchés d’Albret et de Château-Thierry, avec la dignité de duc et pair et le rang nouveau des princes étrangers en France. Il eut ainsi les apanages de deux fils de France, et celui qu’avoit Henri IV avant d’être roi de France. Quelque ordinaire que fût la terre qui porte le nom de comté d’Auvergne, et quelque distincte, et totalement, qu’elle fût de la province d’Auvergne dans laquelle elle est située, M. de Bouillon la voulut avoir, et le cardinal Mazarin eut la complaisance de la retirer des mains où elle étoit pour la comprendre dans l’échange.

Il fut fait en mars 1651, lors des plus grands troubles, et M. de Bouillon mourut à Pontoise à la suite de la cour, où il pouvoit tout sur la reine et sur le cardinal Mazarin, 9 août 1652, étant dans le conseil le plus intime, et sur le point d’être déclaré surintendant des finances. Il n’avoit pas encore cinquante ans ; son père en avoit vécu soixante-huit. Sa femme belle, vertueuse, courageuse, ambitieuse et fort habile, fille du comte de Berghes gouverneur de Frise, ne le survécut que de cinq ans. C’est ce duc de Bouillon qui a commencé à être prince en Italie avant que l’être devenu en France par son échange. Il y commanda les troupes du pape, dont il obtint à Rome le traitement de souverain, et eut un tabouret devant lui. Il sut bien faire valoir depuis cette grande distinction ailleurs où elle lui aplanit beaucoup