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un saint. La d’Heudicourt et le peu d’autres qui écoutoient tous ces propos, et qui connoissoient le pèlerin qui quelquefois leur tiroit un bout de langue à la dérobée, ne savoient que devenir pour s’empêcher de rire, et au partir de là ne pouvoient se tenir d’en faire le conte tout bas à leurs amis. Courcillon, qui trouvoit que c’étoit bien de l’honneur d’avoir Mme de Maintenon tous les jours pour garde-malade, et qui en crevoit d’ennui, voyoit ses amis quand elle et sa mère étoient parties les soirs, leur en faisoit ses complaintes le plus follement et le plus burlesquement du monde, et leur rendoit en ridicule ses propos dévots et leur crédulité, tellement que, tant que cette maladie dura, ce fut un spectacle qui divertit toute la cour, et une duperie de Mme de Maintenon dont personne n’osa l’avertir, et qui lui donna pour toujours une amitié et une estime respectueuse pour la vertu de Courcillon qu’elle citoit toujours en exemple, et dont le roi prit aussi l’impression, sans que Courcillon se souciât de cultiver de si précieuses bonnes grâces après sa guérison, sans qu’il en rabattît quoi que ce fût de sa conduite accoutumée, sans que Mme de Maintenon s’aperçût jamais de rien, sans que pour ses négligences même à son égard elle se refroidît des sentiments qu’elle avoit pris pour lui. Il faut le dire, excepté le manège sublime de son gouvernement et avec le roi, c’étoit d’ailleurs la reine des dupes.


CHAPITRE XVI.


Oublis. — Procès intentés par le prince de Guéméné au duc de Rohan sur le nom et armes de Rohan. — Matière de ce procès. — Cause ridicule de ce procès. — Parti que le duc Rohan devoit prendre. — Excuse du roi, en plein chapitre, des trois seuls ducs ayant