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que de cour, où avec un esprit fort médiocre il avoit merveilleusement profité des leçons de son habile mère.

Surville étoit sorti de la Bastille à la fin du temps que les maréchaux de France avoient ordonné, et le roi avoit mandé au duc de Guiche de ramener La Barre de l’armée avec lui. Il le lui présenta en arrivant, et tout de suite le roi le fit entrer dans son cabinet. Là, il lui dit qu’il avoit eu un démêlé avec Surville, où il n’avoit aucun tort ; que Surville avoit été puni ; que lui étoit un vieil officier dont la réputation étoit établie depuis fort longtemps ; qu’ainsi il lui demandoit, comme à son ami, qu’il lui sacrifiât son ressentiment, et si cela ne suffisoit pas, comme roi et comme son maître ; mais qu’il croyoit qu’il aimeroit mieux s’en tenir à la première partie, et qu’il désiroit qu’il le fît de bonne grâce, lorsqu’ils seroient accommodés par les maréchaux de France. On peut juger quelle fut la réponse et la conduite de La Barre à un discours aussi rare -dans la bouche d’un grand roi, et à un petit particulier de sa sorte. Les maréchaux de France les accommodèrent huit jours après, mais Surville demeura perdu.

Mme de Châtillon, dame d’atours de Madame, demanda à se retirer. Elle conserva mille écus de deux mille qu’elle avoit, ses logements du Palais-Royal et de Versailles, et une place de dame de Madame, comme la maréchale de Clérembault et la comtesse de Beuvron en a voient eu depuis la mort de Monsieur. Elle étoit sœur cadette de la duchesse d’Aumont, et se piquèrent toute leur vie d’une union intime : toutes deux du nom de Brouilly, filles du marquis de Piennes, chevalier de l’ordre en 1661, mort gouverneur de Pignerol en 1676, n’ayant laissé que ces deux filles d’une Godet des Marais, ce qui, dans la faveur de M. de Chartres, Godet des Marais aussi et leur oncle, leur servit fort auprès de Mme de Maintenon. C’étoient deux fort grandes personnes, les mieux faites de la cour ; Mme d’Aumont plus belle, Mme de Châtillon, sans beauté, bien plus aimable ;