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le voulut faire pendre. Il en fut à deux doigts. Mme de Maintenon, qui sentit combien cette catastrophe porteroit sur la protection que Mme des Ursins ne cessoit de lui donner, et sur l’intime liaison toujours subsistante entre eux, détourna le coup par Chamillart, et fit si bien dans la suite, toujours pour couvrir et soutenir Mme des Ursins, qu’on lui donna pour le décrasser et le réhabiliter une charge de président à mortier au parlement de Metz, qu’il garda pour ces mêmes raisons, mais qu’il n’exerça point, parce qu’il ne savoit mot de lois ni de jurisprudence. Il a laissé deux fils qui sont sa vive image. Qui croiroit qu’en titre et en effet on les ait rendus les arbitres et les maîtres des finances du roi et de la fortune de tous ses sujets ?

Ce fut un coup hardi à Amelot, avec qui Orry étoit fort brouillé, d’avoir empêché son retour, Mais la conduite, la capacité et la réputation de ces deux hommes étoient si diamétralement opposées, l’un en vénération et en amour à toute l’Espagne et aux troupes, l’autre en dernière horreur, que Mme des Ursins n’osa se fâcher pour cette fois, n’en vécut pas moins bien avec Amelot et avec Berwick, alors tous deux si nécessaires, ne put pas même leur en savoir un trop mauvais gré, et se rabattit à sauver son ami de la corde, pour sauver sa propre réputation à elle-même.

Avant de rentrer à Madrid, et dès que le roi d’Espagne s’en revit le maître, il jugea à propos de se délivrer de la reine douairière d’Espagne, dont la conduite avoit été plus que suspecte dans tous les temps. Le roi, par la considération de la mémoire de Charles II qui l’avoit appelé à sa couronne par son testament, et duquel elle étoit veuve, n’avoit pas voulu lui faire éprouver les rigueurs de la retraite dans un monastère sans y voir personne et sans en sortir, qui est la destinée que l’usage d’Espagne impose aux reines veuves, lorsqu’un fils sur le trône ne les en dispense pas par son autorité. Celle-ci n’avoit point d’enfants. Elle étoit sœur de l’impératrice veuve de l’empereur Léopold, et mère de