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avec le roi, et qui le fâchoient quelquefois sur la résidence. En effet, lorsque Mme la duchesse de Bourgogne approcha du terme d’accoucher du prince qui ne vécut qu’un an, et qui fut le premier enfant qu’elle eut, le roi envoya un courrier à M. d’Orléans avec une injonction très-expresse de sa main de venir sur-le-champ, et de demeurer à la cour jusqu’après les couches ; à quoi il fallut obéir. Le roi, outre l’amitié, avoit pour lui un respect qui alloit à la dévotion. Il eut celle que l’enfant qui naîtroit ne fût pas ondoyé d’une autre main que la sienne ; et le pauvre homme, qui étoit fort gras et grand sœur, ruisseloit dans l’antichambre, en camail et en rochet, avec une telle abondance que le parquet en étoit mouillé tout autour de lui.

Jamais il ne voulut entendre à remettre son évêché. Il convenoit de toutes les raisons qui lui étoient alléguées ; mais il y objectoit qu’après tant d’années de travail dont il voyoit les fruits, il ne vouloit pas s’exposer de son vivant à voir ruiner une moisson si précieuse, des écoles si utiles, des curés si pieux, si appliqués, si instruits, ecclésiastiques excellents qui gouvernoient avec lui le diocèse, et d’autres, qui le conduisoient par différentes parties, qu’on chasseroit et qu’on tourmenteroit, et pour cela seul il demeura fermement évêque. On verra bientôt que ce fut une prophétie.

Toute la cour s’affligea de sa mort ; le roi plus que personne, qui fit son éloge. Il manda le curé de Versailles, lui ordonna d’accompagner le corps jusque dans Orléans, et voulut qu’à Versailles et sur la route on lui rendît tous les honneurs possibles. Celui de l’accompagnement du curé n’avoit jamais été fait à personne.

On sut de ses valets de chambre, après sa mort, qu’il se macéroit habituellement par des instruments de pénitence, et qu’il se relevoit toutes les nuits et passoit à genoux une heure en oraison. Il reçut les sacrements avec une grande piété, et mourut comme il avoit vécu, la nuit suivante.

Dès le lendemain le roi manda par un courrier au cardinal de Janson