Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Villars quelque temps après, et Marsin le 1er mai pour Strasbourg, qui paraissoit le côté le plus retardé.

Vendôme, devant Verue depuis le 14 octobre, amusoit le roi par de fréquents courriers et par force promesses qui ne s’exécutoient point. L’infanterie y périssoit de fatigues et de misère, dans la fange jusqu’au cou, et les officiers sans équipage, et par conséquent sans aucun soulagement contre la rigueur de la saison et du terrain. La garde étoit infinie contre une place qui n’étoit investie qu’à demi, et qui communiquoit par tout un grand côté avec un camp retranché dans une entière liberté, et ce camp retranché séparé des assiégeants par la rivière. L’inquiétude enfin prévalut à cette confiance sans bornes en M. de Vendôme. Le roi voulut que Laparat, le premier ingénieur d’alors, et lieutenant général, y allât, quoique mal avec M. de Vendôme, pour accélérer ce siège, y rectifier et y régler, de concert avec ce général, ce qui seroit pour le mieux, et surtout en mander au roi son avis bien en détail. Laparat en savoit trop pour commettre sa fortune à faire un affront à un homme si puissamment accrédité et appuyé, qui ne lui auroit pardonné de sa vie, et qui lui auroit détaché Chamillart, M. du Maine et Mme de Maintenon. L’affaire étoit trop engagée, il trouva tout bien, et fut toujours d’avis commun avec M. de Vendôme. Lui aussi, content de sa conduite et plus embarrassé de jour en jour qu’il ne le montroit, se laissa enfin persuader que jamais il ne prendroit Verue, tant que la place seroit en communication avec ce camp retranché, vidée de morts, de blessés, de malades, rafraîchie de troupes et de munitions de guerre et de bouche, à plaisir et à volonté. On étoit au dernier février, ainsi depuis quatre mois et demi devant Verue. Le parti fut donc pris enfin de faire un effort pour rompre cette communication, avec laquelle, quoi qu’eût soutenu M. de Vendôme avec son opiniâtreté et son autorité ordinaire, il étoit visible que Verue ne se pouvoit prendre.