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trouver mieux. Le roi ferma son almanach, et conclut que ce n’étoit pas la peine d’aller plus loin ; qu’il s’arrêtoit à mon choix ; qu’il en ordonnoit le secret jusqu’à quelques jours qu’il me le feroit dire. La chose ne balança pas plus que cela, et ne dura pas au delà. Torcy lut ses dépêches, il n’en fut pas question davantage. Voilà tout ce que j’en ai su plus de dix ans après d’un homme vrai, et qui ne pouvoit plus avoir d’intérêt ni de raison de m’en rien déguiser.

Beauvilliers et Chamillart, chacun séparément, examinèrent mes dettes, mes revenus, la dépense de l’ambassade et ses appointements, les premiers sur des états que Mme de Saint-Simon leur fit apporter et qu’elle examina avec eux, les autres par estime. Tous deux conclurent à accepter : le duc, parce qu’après un sérieux examen, il se trouvoit que je pouvois suffire à cette ambassade sans me ruiner ; que, si je la refusois, jamais le roi ne me le pardonneroit, surtout ayant quitté le service ; ne me regarderoit plus que comme un paresseux qui ne voudroit rien faire ; s’attacheroit à me faire sentir son mécontentement par toutes sortes de dégoûts et par toutes sortes de refus en choses où j’aurois besoin de lui ; gâteroit plus mes affaires par là, et ma situation présente et future que ne pourroit faire quelque fâcheux succès que je pusse avoir dans l’ambassade. À ces raisons il ajoutoit ma liaison intime avec trois des quatre ministres d’État, qui de silence ou d’excuse protégeroient mes fautes et m’avertiroient, et qui le feroient hardiment parce qu’étant tous trois mes amis, ils ne craindroient pas d’être relevés par aucun d’eux, comme cela leur arrivoit et les retenoit souvent ; que pour le quatrième, avec qui je n’avois aucune liaison, celle qui étoit entre ce ministre et lui étoit suffisante pour m’en pouvoir répondre, outre son caractère doux et rien moins que malfaisant ; enfin que ce choix s’étoit fait sans que j’eusse jamais pensé à cette ambassade, qui étoit une excuse générale pour moi et une raison particulière pour Torcy de ne me savoir nul mauvais gré de