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étoit plus qu’informé de mon éloignement de ce mariage, et combien la maréchale de Noailles m’avoit fidèlement averti. Il produisit encore bien de la tracasserie sur l’intérêt entre ma belle-mère, et moi, qui, non contente de ce que j’avois bien voulu faire, ne cessa de tenter plus, à force de propositions captieuses, qui aboutirent enfin à n’accepter ni renoncer à la communauté, et à ne rien faire de tout ce à quoi les lois obligent les veuves, en quoi, les procédés de sa part furent encore, s’il se peut, plus étranges que le fond. Ce détail domestique pourra paroître étranger ici, mais on verra par la suite qu’il y est nécessaire.

Le mercredi, 13 décembre, nous allâmes à l’Étang, où l’évêque de Senlis maria mon beau-frère à sa nièce, dont la dot ne fut que de cent mille écus, comme celle de sa sœur la duchesse de La Feuillade, et de même logés et nourris partout, ce qui me procura l’usage de l’appartement que M. le maréchal de Lorges avoit dans le château de Versailles. La noce fut nombreuse et magnifique ; rien n’égaloit la joie du ministre et de sa famille ; rien n’approcha des empressements de M. de Lauzun, rien ne fut pareil à ceux de Chamillart pour Mme de Saint-Simon et pour moi, de sa femme, de ses filles et jusque de ses amis particuliers qu’il avoit conviés. Si j’avois été surpris de la franchise avec laquelle il m’avoit parlé la première fois, je le fus encore davantage de la façon dont il me demanda mon amitié. La plus grande politesse et l’énergie se disputèrent en ses expressions, et je vis la sincérité du désir y dominer. Je fus embarrassé ; il s’en aperçut. J’en usai avec lui comme en pareil cas j’avois fait avec le chancelier. Je lui avouai naturellement mon intimité avec le père, ma liaison avec le fils, celle de Mme de Saint-Simon et de Mme de Pontchartrain, cousines germaines, mais plus étroitement unies que deux véritables sœurs, et je lui dis que, si à cette condition il désiroit mon amitié, je la lui donnerois de tout mon cœur. Cette franchise le toucha. Il me dit qu’elle augmentoit son empressement d’obtenir