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Le comte d’Estrées arriva de Toulon et s’arrêta à Essonne, où toute sa famille l’alla trouver. Ce fut, au retour, force plaisanteries à sa femme ; il fut rapporté à peine à Paris, où peu de jours après, c’est-à-dire le 23 novembre, on lui fit une grande opération qu’on n’expliqua point, mais qu’on prétendit qui l’empêcheroit d’avoir des enfants. Son beau-frère, le duc de Guiche, obtint en même temps pour une confiscation de vingt mille livres de rente sur les biens des Hollandois en Poitou. Lui et sa femme, qui étoient mal dans leurs affaires, étoient continuellement à l’affût d’en faire, et les contrôleurs généraux avoient ordre de ne leur en refuser aucune possible, ni à la maréchale de Noailles. Il est incroyable tout ce qu’ils en firent.

Le roi permit aussi en même temps au comte d’Albert de sortir de la Conciergerie, où il étoit depuis deux ans, quoique le parlement l’eût absous du duel dont il étoit accusé ; mais il demeura cassé. Pertuis, en prison aussi depuis neuf ans, et le marquis de Conflans aussi, pour s’être aussi battus, en sortirent de même, mais sans rentrer dans le service.

Chamois, envoyé du roi à Ratisbonne, en avoit été chassé fort brusquement, il y avoit trois mois. Du Héron, envoyé du roi en Pologne, fut traité de même en ce temps-ci ; et Boneu, envoyé du roi près du roi de Suède, passant pays sur la foi de son caractère, fut enlevé par les Polonois. On arrêta à Paris tous ceux de cette nation et tous les Saxons qui s’y trouvèrent ; et, pour s’assurer mieux de la Lorraine, on occupa Nancy, au cuisant regret de M. et de Mme de Lorraine, qui s’en allèrent pour toujours à Lunéville d’où ils ne sont plus revenus à Nancy. Le maréchal Catinat, qui ne venoit presque point à la cour, et des moments, eut une audience du roi dans son cabinet, à l’issue de son lever, courte et honnête, et de la part du maréchal fort froide et réservée, après laquelle on sut qu’il ne serviroit plus.