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redoubloit de ses fautes. Enfin, ce fut une farce qui divertit toute la cour plusieurs jours, car cette belle princesse étoit également crainte, haïe et méprisée.

Mgr [le duc] et Mme la duchesse de Bourgogne lui faisoient des espiègleries continuelles. Ils firent mettre un jour des pétards tout du long de l’allée qui, du château de Marly, va à la perspective, où elle logeoit. Elle craignoit horriblement tout. On attira deux porteurs pour se présenter à la porter lorsqu’elle voulut s’en aller. Comme elle fut vers le milieu de l’allée, tout le salon à la porte pour voir le spectacle ; les pétards commencèrent à jouer, elle à crier miséricorde, et les porteurs à la mettre à terre et à s’enfuir. Elle se débattoit dans cette chaise, de rage à la renverser, et crioit comme un démon.

La compagnie accourut pour s’en donner le plaisir de plus près, et l’entendre chanter pouille à tout ce qui s’en approchoit, à commencer par Mgr [le duc] et Mme la duchesse de Bourgogne. Une autre fois ce prince lui accommoda un pétard sous son siège, dans le salon où elle jouoit au piquet. Comme il y alloit mettre le feu, quelque âme charitable l’avisa que ce pétard l’estropieroit, et l’empêcha.

Quelquefois ils lui faisoient entrer une vingtaine de Suisses avec des tambours dans sa chambre, qui l’éveilloient dans son premier somme avec ce tintamarre. Une autre fois, et ces scènes étoient toujours à Marly, on attendit fort tard qu’elle fût couchée et endormie. Elle logeoit ce voyage-là dans le château, assez près du capitaine des gardes en quartier qui étoit lors M. le maréchal de Lorges. Il avoit fort neigé et il geloit ; Mme la duchesse de Bourgogne et sa suite prirent de la neige sur la terrasse qui est autour du haut du salon, et de plain-pied à ces logements hauts, et, pour sien mieux fournir, éveillèrent les gens du maréchal, qui ne les laissèrent pas manquer de pelotes ; puis, avec un passe-partout et des bougies, se glissent doucement dans la chambre de la princesse d’Harcourt, et, tirant tout d’un coup les rideaux, l’accablent de pelotes de neige. Cette sale