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demeura donc là, sans rien entreprendre, tandis qu’il arriva du renfort au prince d’Orange.

Je ne sais quoi engagea à envoyer un trompette aux ennemis, et à préférer celui d’entre eux qui en avoit le plus d’habitude. Il ne fut pas vingt-quatre heures ; il rapporta au roi que le prince d’Orange lui avoit fait voir son armée, et lui avoit dit qu’il n’avoit jamais eu si belle peur, ni plus de certitude d’être attaqué. Il se plut à lui expliquer les raisons de sa crainte, et de ce qu’il était perdu à coup sûr. Apparemment pour en donner plus de regret, et pour le plaisir de montrer à quel point il étoit tôt et bien informé, il le chargea de dire à M. le maréchal de Lorges de sa part qu’il savoit combien il avoit disputé pour engager la bataille, en peu de mots, les raisons qu’il en avoit apportées, que s’il avoit été cru, il étoit battu et perdu sans aucune ressource. Le trompette fut assez imprudent pour raconter tout cela au roi et à M. de Louvois, en présence de force généraux et seigneurs ; et n’y ayant pas remarqué M. le maréchal de Lorges, il l’alla chercher, et s’acquitta de ce dont le prince d’Orange l’avoit chargé pour lui. Le maréchal, de plus en plus outré de n’avoir pas été cru, sentit le poids de ce témoignage. Il en commanda bien expressément le secret au trompette, mais il n’étoit plus temps ; et une heure après, son rapport fut la nouvelle et l’entretien de toute l’armée ; sur cela, Monsieur arriva venant de prendre Bouchain, et le roi laissa son armée à ses généraux, et partit avec Monsieur pour retourner à Versailles, où, à peine arrivés, Louvois qui le suivit eut la douleur d’apprendre la mort du maréchal de Rochefort, son ami, et le dépit de voir donner sa charge à M. le maréchal de Lorges.

Ce ministre, n’étoit pas homme à pardonner, ni M. le maréchal de Lorges à se ployer à aucune recherche. Il demeura donc à faire sa charge auprès du roi.

Il ne pouvoit se plaindre étant le dernier des maréchaux de France. La convenance élu comte de Feversham, son frère, grand chambellan