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prince de Bade, se mettoit en marche le 14, et quittoit ses retranchements. Dès le 13, l’infanterie de Votre Majesté et la brigade de Vivans avoient passé le Rhin. Le prince de Neubourg nous faisant voir un mouvement fort vif dans le camp des ennemis, l’on crut qu’il étoit bon de se mettre en mesure, ou d’empêcher leur armée de troubler notre établissement dans notre nouveau poste, ou de l’attaquer, si l’on en détachoit quelque corps d’infanterie pour aller vers Neubourg.

« Sa Majesté comprendra que son armée, ayant été placée au delà du Rhin dès le 13, par les raisons que j’ai eu l’honneur de lui exposer, fut promptement en bataille dans (devant ?) les retranchements des ennemis. Dans la matinée du 14, MM. Desbordes et de Chamarande s’étoient mis à la tête de l’infanterie, laquelle marcha très diligemment pour gagner la crête d’une montagne assez élevée.

« La cavalerie des Impériaux, plus forte de deux mille chevaux que la nôtre, étoit en bataille dans la plaine ; et celle de Votre Majesté fut placée, la gauche au fort de Friedlingen, malgré un assez gros feu de l’artillerie de ce fort, et la droite appuyée à cette montagne que l’infanterie avoit occupée.

« On aperçut en ce moment que l’infanterie des ennemis faisoit tous ses efforts pour gagner la crête de la hauteur, avec cette circonstance qu’elle y montoit en bataille, et que celle de Votre Majesté traversoit des vignes et des hauteurs escarpées qui ralentissoient sa marche.

« Je dois faire observer à Votre Majesté que l’on avoit envoyé à Neubourg deux mille hommes de son infanterie, parmi lesquels étoient plusieurs compagnies de grenadiers, et les deux régiments de dragons de la reine et de Gévaudan. Cependant MM. Desbordes et de Chamarande, qui pressoient les mouvements de l’infanterie, le premier peut-être avec trop d’ardeur, marchoient aux ennemis avec les brigades de Champagne, de Bourbonnois, de Poitou et de la reine. Ils les trouvèrent postés dans un bois assez épais. Les ennemis avoient leur canon, et, malgré une très vive résistance, ils furent renversés et leur canon fut pris. Pendant ce temps-là, M. de Magnac, qui étoit dans la plaine à la tête de la cavalerie, vit celle des ennemis s’ébranler pour venir à la charge ; celle de Votre Majesté étoit dans tout l’ordre convenable. On avoit, dès le matin, recommandé aux cavaliers de ne point se servir d’armes à feu, et de ne mettre l’épée à la main qu’à cent pas des ennemis ; et, à la vérité, ils n’ont pas tiré un seul coup.

« Les Impériaux ont fait les trois quarts du chemin ; M. de Magnac, suivi de M. de Saint-Maurice, qui commandoit la seconde ligne, et s’est conduit en bon et ancien officier, s’est ébranlé de deux cents pas. La charge n’a été que trop rude par la perte de très braves officiers,