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avoir jamais fait une profession particulière de piété distinguée, M. de Lorges regarda tout le reste de sa vie sa conversion comme son plus précieux bonheur. Il redoubla d’estime, d’amitié et de commerce avec M. Cotton qui en avoit été la première cause ; il vit tant qu’il vécut M. de Meaux très familièrement, et avec vénération et grande reconnoissance. Il abhorroit la contrainte sur la religion, mais il se portoit avec zèle à persuader les protestants à qui il pouvoit parler, et fut jusqu’à la mort régulier et même religieux dans sa conduite et dans la pratique de la religion qu’il avoit embrassée, et ami des gens de bien. Il eut la douleur que la comtesse de Roye en pensa mourir de regret. Il n’y avoit que la religion que tous deux se préférassent. Elle fut si outrée de ce changement, qu’elle ne le voulut voir qu’à [la] condition, qu’ils tinrent, de ne s’en parler jamais.

M. de Lorges porté par l’estime de M. le Prince et de M. de Turenne, et par son propre mérite, eut après les maréchaux de France les commandements les plus importants de la guerre de Hollande ; il ne tint qu’à lui après le retour du roi de l’avoir en chef. Il en reçut la patente et l’ordre de faire arrêter le maréchal de Bellefonds, dont l’opiniâtreté étoit tombée en plusieurs désobéissances formelles coup sur coup aux ordres qu’il avoit eus de la cour.

M. de Lorges évita l’un et sauva l’autre, qui ne le sut que longtemps après, et d’ailleurs, et qui ne l’a jamais oublié. Je ne rougirai point de dire que toute l’Europe admira et célébra le combat et la savante retraite d’Altenheim, et la gloire de M. de Lorges qui y commandoit en chef ; en même temps qu’elle retentit de la mort de M. de Turenne. C’est un fait attesté par, toutes les histoires, les Mémoires et les lettres de ce temps-là. M. le Prince voulut bien la rehausser encore. « J’osa avouer, dit-il alors au milieu de l’armée de Flandre qu’il commandoit, et d’où il eut ordre d’aller prendre la place de M. de Turenne, j’ose avouer que j’ai quelques