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de politique et de raisonnement. Le cardinal de Bouillon, qui l’avoit trouvé propre à beaucoup de choses secrètes, l’y avoit fort employé. Il avoit fait sa cour à Mme des Ursins, qui l’avoit goûté.

Il y eut je ne sais quelle petite obscure négociation sur le cérémonial entre les cardinaux et les petits princes d’Italie. Le cardinal de Bouillon fit envoyer Bourg vers eux avec une lettre de créance du sacré collège. Il s’élevoit aisément et avoit besoin d’être contenu. Il réussit, fut connu et caressé de plusieurs cardinaux. L’état de domestique du cardinal de Bouillon commença à lui peser, il s’en retira avec ses bonnes grâces et une pension. Fatigué dans les suites de ne trouver point d’emploi à Rome, il revint en France, s’y maria à une fille de Varenne, que nous avons vu ôter du commandement de Metz, et bientôt après s’en alla vivre à Montpellier. Voyant le règne de Mme des Ursins en Espagne, il alla l’y trouver et en fut très bien reçu. Elle s’en servit en beaucoup de choses, et lui donna un accès fort libre auprès du roi et de la reine d’Espagne. Il eut lieu de nager là en grande eau. Il aimoit les affaires et l’intrigue. Il l’entendoit bien, et, avec l’esprit diffus et quelquefois confus, il étoit fort instruit des intérêts des princes, et passoit sa vie en projets. Avec tout cela et ses besoins, rien ne l’empêchoit de dire la vérité à bout portant aux têtes principales, à Orry, à Mme des Ursins, à la reine d’Espagne et dans les suites au roi et à l’autre reine sa femme, à Albéroni, aux ministres les plus autorisés, qui tous l’admirent dans leur familiarité, s’en servirent au dedans, le consultèrent et l’estimèrent, mais le craignirent assez pour ne lui jamais donner d’emploi, ni de subsistance que fort courte. Je l’ai fort vu en Espagne et m’en suis bien trouvé. Bourg avoit eu un fils, qui mourut, et une fille fort jolie. Il la voulut faire venir avec sa mère le trouver en Espagne ; elles s’embarquèrent en Languedoc et furent prises par un corsaire. La mère se noya, la fille fut menée à Maroc, où elle montra beaucoup d’esprit et de vertu ; elle y fut bien traitée,