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étranger ni aucun ambassadeur, et le duc et la duchesse d’Albe n’avoient pas encore vu son visage. On fit pour eux une chose sans conséquence. Le roi fit mettre la duchesse d’Albe au premier rang du fond, à côté et au-dessous de Mme la princesse de Conti, pour qu’elle vît mieux le bal, et Mme des Ursins à côté et au-dessous d’elle. À souper on fit mettre la duchesse d’Albe auprès de Mme la Duchesse à la table du roi, et Mme des Ursins auprès d’elle. Le maréchal de Boufflers fut chargé du duc d’Albe au bal, et de prier des courtisans distingués à une table particulière qu’il tint pour le duc d’Albe, servie par les officiers du roi. Il y en eut une autre pareille pour le duc de Perth et pour les Anglais. Après souper, Mme la duchesse de Bourgogne fit jouer la duchesse d’Albe au lansquenet avec elle. Le roi, à son coucher, donna le bougeoir au duc d’Albe[1], et lui fit son compliment sur la peine de s’en retourner coucher à Paris. Il parla fort à lui et à Mme d’Albe.

Aux autres bals, Mme des Ursins se mettoit auprès du grand chambellan, et avec sa lorgnette regardoit un chacun. À tout moment le roi se tournoit pour lui parler, et Mme de Maintenon, qui à cause d’elle venoit quelquefois avant le souper un quart d’heure ou une demi-heure à ces bals, déplaçoit le grand chambellan qui se mettoit derrière elle. Ainsi, elle étoit joignante Mme des Ursins, et tout près du roi de l’autre côté en arrière, et la conversation entre eux trois étoit continuelle ; Mme la duchesse de Bourgogne s’y

  1. Il a déjà été question plus haut de ce cérémonial. Le roi seul, d’après l’État de la France, avait un bougeoir a deux bobèches et par conséquent à deux bougies. L’aumônier de jour tenait le bougeoir pendant que le roi faisait ses prières. Le premier valet de chambre prenait ensuite le bougeoir des means de l’aumônier. Quand le roi était arrivé au fauteuil où il se déshabillait il désignait une personne de l’assemblée pour tenir le bougeoir. C’était ordinairement un prince ou seigneur étranger. Le roi déshabille, le premier valet de chambre reprenait le bougeoir et les huissiers de la chambre criaient tout haut : Allons, messieurs, passez. Alors toute la cour se retirait à l’exception de ceux qui avaient droit d’assister au petit coucher du roi.