Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/417

Cette page n’a pas encore été corrigée

n’avoit trouvé rien de difficile pour son service jusqu’à cet agréable moment. Le roi étoit à Marly, et nous étions, Mme de Saint-Simon et moi, de ce voyage, comme, depuis que Chamillart m’avoit raccommodé, cela nous arrivoit souvent. Pendant le reste de ce Marly, ce fut un concours prodigieux chez Mme des Ursins, qui, sous prétexte d’avoir besoin de repos, ferma sa porte au commun, et ne sortit point de chez elle. M. le Prince y courut des premiers, et, à son exemple, tout ce qu’il y eut de plus grand et de moins connu d’elle. Quelque flatteur que fût ce concours, elle n’en étoit pas si occupée qu’elle ne le fût beaucoup plus de se mettre bien au fait de tout ce que les dépêches n’avoient pu comporter, et de la carte présente. La curiosité, l’espérance, la crainte, la mode, y attiroit cette foule dont plus des trois quarts n’entroient pas. Les ministres en furent alors effrayés. Torcy eut ordre du roi de l’aller voir. Il en fut étourdi : il ne répliqua pas ; en homme qui vit la partie faite et le triomphe assuré, il obéit. La visite se passa avec embarras de sa part, et une froideur haute de l’autre : ce fut l’époque qui fit changer de ton à Mme des Ursins.

Jusque-là modeste, suppliante, presque honteuse, elle en vit et en apprit tant, que, de répondante qu’elle s’étoit proposé d’être, elle crut pouvoir devenir accusatrice et demander justice contre ceux qui, abusant de la confiance du roi, lui avoient attiré un traitement si fâcheux et si long, et mise en spectacle aux deux monarchies. Tout ce qui lui arrivoit passoit de bien loin ses espérances ; elle-même s’en est étonnée avec moi plusieurs fois, et avec moi s’est moquée de force gens, et souvent des plus considérables, ou qu’elle ne connoissoit comme point, ou qui lui avoient été fort contraires, et qui s’empressoient bassement auprès d’elle.

Le roi revint à Versailles le samedi 10 janvier ; Mme des Ursins y arriva le même jour ; elle logea à la ville chez d’Alègre. J’allai aussitôt la voir, n’ayant pu quitter Marly à cause des bals de presque tous les soirs. Ma mère l’avoit fort