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d’une personne si importante n’auroit rien d’indifférent. On se prépara à une sorte de soleil levant, qui alloit changer et renouveler bien des choses dans la nature. On ne voyoit que gens, à qui on n’avoit jamais ouï proférer son nom, qui se vantoient de son amitié et qui exigeoient des compliments sur sa prochaine arrivée. On en trouvoit d’autres, liés avec ses ennemis, qui n’avoient pas honte de se donner pour être transportés de joie et de prodiguer les bassesses à ceux de qui ils se flattoient qu’elles seroient offertes en encens à la princesse des Ursins. Parmi ces derniers, les Noailles se distinguèrent. Leur union intime avec les Estrées, et par leur gendre favori avec le duc de Grammont, ne les arrêta point : ils se publièrent ravis du retour d’une personne qu’ils avoient, disoient-ils, dans tous les temps, aimée et honorée, et qui étoit de leurs amies depuis toute leur vie. Ils le voulurent persuader à ses meilleurs amis, à Mme de Maintenon, à elle-même.

Elle arriva enfin à Paris le dimanche 4 janvier. Le duc d’Albe, qui avoit cru bien faire en s’attachant fortement aux Estrées, espéra laver cette tache en lui prodiguant tous les honneurs qu’il put. Il alla en cortège fort loin hors Paris, à sa rencontre avec la duchesse d’Albe, et la mena coucher chez lui, où il lui donna une fête. Plusieurs personnes de distinction allèrent plus ou moins loin à sa rencontre les Noailles n’y manquèrent pas et les plus loin de tous.

Mme des Ursins eut lieu d’être surprise d’une entrée si triomphante : il lui fallut capituler pour sortir de chez le duc d’Albe. Il lui importoit de se mettre en lieu de liberté. De préférence à la duchesse de Châtillon, sa propre nièce, elle alla loger chez la comtesse d’Egmont qui ne l’étoit qu’à la mode de Bretagne, mais nièce de l’archevêque d’Aix, qu’elle avoit eue autrefois longtemps chez elle avec la duchesse de Châtillon, et qu’elle y avoit mariées l’une et l’autre. Cette préférence étoit bien due à la considération de l’archevêque d’Aix, qui, dans les temps les plus orageux,