Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/413

Cette page n’a pas encore été corrigée

Mme des Ursins, qu’une folie sans excuse (il vouloit parler de la lettre apostillée) avoit précipitée dans l’abîme de l’humiliation. Il exagéra sa douleur d’avoir déplu et de ne pouvoir être écoutée après n’avoir été appliquée en Espagne qu’à y faire obéir le roi et cherché en tout à lui plaire. À mesure qu’Harcourt, d’une part, et Mme de Maintenon, de l’autre, avec qui il agissoit de concert, et à qui dans cette crise il donna d’utiles et fermes conseils, il retournoit à la charge. Le roi, dont la vérité n’approcha jamais dans la clôture où il s’étoit emprisonné lui-même, fut le seul des deux monarchies qui ne se douta du tout point que l’arrivée de Mme des Ursins à sa cour fût le gage assuré de son retour en Espagne et de celui d’une puissance plus grande que jamais. Fatigué des contradictions qu’il y éprouvoit, inquiet du désordre dangereux qui en résultoit aux affaires, dans un temps où leur changement de face demandoit un parfoit unisson entre les deux couronnes, lassé des instances qui lui étoient faites et des réflexions qui lui étoient présentées, il accorda enfin la grâce qui lui étoit si pressement demandée, dont les ministres se trouvèrent fort étourdis.

Harcourt profita de ce court intervalle. Il étoit irréconciliable avec Torcy et avec le duc de Beauvilliers. Chamillart n’étoit son homme que parce qu’il était celui de Mme de Maintenon. Il n’auroit pas voulu moins se mêler de ses deux départements que de celui de Torcy : ce n’étoit donc pas là où il pouvoit compter de se réunir réellement. L’esprit, le tour, la capacité du chancelier lui plaisoient. La malignité et l’inquisition de Pontchartrain lui pouvoient être utiles. Leur département n’avoit rien qui pût le tenter ni leur en donner ombrage ; ils étoient ennemis déclarés de Chamillart, et le chancelier mal avec Beauvilliers de tout temps et même avec peu de mesure. Tout cela plaisoit fort à Harcourt et lui donna le désir de se réunir au père et au fils, avec qui il n’avoit point eu d’occasion de prises particulières.