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contenter, que d’une complaisance entièrement étrangère et indifférente aux affaires, qui n’y pouvoit rien influer, de permettre à Mme des Ursins de venir à la cour y dire tout ce qu’il lui plairoit pour sa justification, et devenir après tout ce qu’il lui plairoit, excepté d’y demeurer et de retourner en Espagne, retour dont la reine même ne parloit plus et se bornoit à ce que son amie pût être entendue elle-même ; que ce qui ne se refusoit pas aux plus coupables pouvoit bien s’accorder à une personne de sari sexe et de cette qualité ; que, quelles que fussent les fautes qu’elle eût commises, sa chute de si haut et si prompte, l’exil où depuis si longtemps elle en donnoit le spectacle, le contraste des récompenses si marquées du cardinal et de l’abbé d’Estrées, étoient une pénitence qui méritoit bien qu’enfin le roi, content de lui avoir fait sentir le poids de son indignation, et à la reine d’Espagne celui de son autorité paternelle, voulût bien marquer à une princesse, par les mains de qui on étoit réduit à passer pour toutes les affaires, et qui étoit outrée, une considération qui sûrement l’adouciroit, la charmeroit même, et la feroit rentrer dans le chemin d’où le dépit l’avoit égarée ; qui, s’il étoit continué, pouvoit, par de mauvais conseils d’humeur et de colère, porter les affaires en de fâcheuses extrémités qui, après les malheurs d’Hochstedt, de Gibraltar, de la révolte de la Catalogne, demandoient des soins et une conduite qui ne pouvoient réussir que par un grand concert.

L’archevêque d’Aix, maître consommé en intrigues, l’homme le plus hardi, le plus entreprenant, le plus plein d’esprit et de ressources, et qui, depuis le temps de Madame et le retour de son exil[1], s’étoit conservé une sorte de liberté avec le roi qu’il connoissoit parfaitement, rompit les premières glaces, et ne parla que de l’état malheureux de

  1. Les Mémoires de cet archevêque d’Aix (Daniel de Cosnac) ont été publiés par la Société de l’Histoire de France (Paris, 1852, 2 vol. in-8). On y trouve tous les détails de ces intrigues.