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de carrosse, lui dit de monter en haut et qu’il lui parleroit. Étant rhabillé et entré chez Mme de Maintenon, il l’y fit appeler, et dès qu’il le vit : « Je n’ai pas maintenant, lui dit-il, le temps de vous parler, mais je vous fais duc ; » ce monosyllabe valoit mieux que toutes les audiences dont aussi pour le maréchal il étoit le but. Il sortit transporté de la plus pénétrante joie, et en apprenant la grâce qu’il venoit de recevoir, causa la plus étrange surprise pour ne pas dire au delà, et la plus universelle consternation dans toute la cour, qui, contre sa coutume, ne s’en contraignit pas. Jusqu’à M. le Grand jeta chez lui feu et flammes devant tout le monde, et tous les Lorrains s’en expliquèrent avec le même ressentiment et aussi peu de ménagement. Les ducs, ceux qui aspiroient à l’être, ceux qui n’y pouvoient penser, furent également affligés. Tous furent indignés d’avoir, les uns un égal de cette espèce, les autres d’en être précédés et distingués, les princes du sang d’avoir à lui rendre, et les autres princes d’avoir à céder ou à disputer à une fortune aussi peu fondée en naissance. Le murmure fut donc plus grand pour cette fois que la politique ; les compliments froids et courts, et le nouveau duc les cherchant, se les attirant, et allant assez infructueusement au-devant de chacun, montrant, au travers de beaucoup d’effronterie, grand respect aux uns et grand embarras à tous.

Le jour de la Chandeleur venu, les maréchaux furent reçus, excepté Harcourt, qui s’étoit trouvé mal, et l’abbé d’Estrées chanta la messe comme prélat de l’ordre. Pontchartrain, fort mal avec tous les Estrées, content d’avoir échappé au comte de Toulouse par la compassion qu’il avoit eue de sa femme, fit une niche à l’abbé d’Estrées, qu’il me conta en s’en applaudissant fort. Quoiqu’il ne fût pas lors ni de quatre ans depuis officier de l’ordre, il alla, comme secrétaire de la maison du roi, lui faire remarquer que l’abbé d’Estrées, n’étant point évêque, ne devoit point s’asseoir en officiant devant lui qu’au temps où les prêtres s’y asseyent,