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de si plat, de si mince. Voilà ce que les grandes et uniques parties militaires et de citoyen ne pouvoient couvrir dans un sujet d’ailleurs si digne du bâton, et de toutes les grâces que le seul mérite doit et peut acquérir. Rosen étoit de condition, on l’a vu par ce que j’en ai rapporté sur le témoignage de M. le prince de Conti, qui s’en informa fort en son voyage de Pologne ; mais je ne sais si c’étoit bien là de quoi faire un chevalier de l’ordre. Chamilly s’appeloit Bouton ; il étoit de bonne noblesse de Bourgogne, dès avant 1400, chambellans des ducs de Bourgogne et baillis de Dôle. Ces emplois ne se donnoient alors qu’à des gens distingués. Ce nom assez ridicule de Bouton le fit passer mal à propos pour peu de chose. Châteaurenauld s’appeloit Rousselet, il étoit de Dauphiné. Il falloit que ce ne fût rien du tout, puisque eux-mêmes ne montrèrent rien avant le bisaïeul du maréchal, intitulé seigneur de quelques petits fiefs ou rotures, mort en 1564, et qui dut son être et celui de ses enfants à la sœur du maréchal et du cardinal de Gondi qu’il épousa en 1533, en décembre, c’est-à-dire du temps qu’Antoine de Gondi, son beau-père, étoit banquier à Lyon, et quelques mois avant que Catherine de Médicis y passât après son mariage, et qu’elle y prît Catherine de Pierrevive, sa belle-mère, à son service, qui devint sa favorite, sa confidente, la gouvernante de ses enfants, et qui fit la fortune des Gondi en France. Avec cela, le fils de Rousselet ne fut que le protégé des Gondi, gouverneur de leurs châteaux de Machecoul et de Belle-Ile, et rien de plus. Il acheta d’eux une terre en Bretagne, et Châteaurenauld en Touraine. Le père n’ayant rien été, qui étoit le beau-frère, le fils ne pouvoit guère être mieux, et cela montre le cas que le maréchal de Retz, si puissant toute sa vie, et le cardinal son frère, faisoient de cette alliance et de leur propre neveu. Leur petit-neveu, père du maréchal, ne fut rien du tout, dont le frère aîné pour tout grade fut lieutenant de la maîtrise de camp du régiment des gardes. Cela