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des gardes qui alloit payer le pareil de M. de Duras. Boufflers, hors de lui de douleur et de dépit, mais trop sage pour donner des scènes, avala ce dernier calice, et obtint ce brevet de retenue au premier mot qu’il en dit au roi, toujours sur le ton de lui faire des grâces pour son beau-frère. Jamais Boufflers, ni sa femme ne se sont consolés du régiment des gardes, jamais ils n’en ont pardonné le rapt au duc, et moins encore à la duchesse de Guiche ; mais en gens qui ne veulent point d’éclats et d’éclats inutiles, ils gardèrent les mêmes dehors avec eux et avec tous les Noailles. Ils essayèrent de consoler le maréchal comme un enfant avec un hochet. Le roi lui dit de conserver partout le logement de colonel des gardes, et de continuer d’en mettre les drapeaux à ses armes.

Le gouvernement de la Franche-Comté fut donné à Tallard, à l’étonnement et au scandale de tout le monde. M. le duc d’Orléans dit là-dessus plaisamment qu’il falloit bien donner quelque chose à un homme qui avoit tout perdu. Comme il le dit sur-le-champ et tout haut, ce bon mot vola de bouche en bouche, et il déplut fort au roi.

Peu de jours après, le roi donna quarante mille livres de pension au petit comte de La Marche, tout enfant, fils du prince de Conti. Cela parut prodigieux et l’étoit en effet pour lors. Pour aujourd’hui, à ce qu’en ont tiré ces princes depuis la mort du roi, ce seroit une goutte d’eau.




CHAPITRE XIX.


Siège de Verue par le duc de Vendôme. — Retour de Fontainebleau par Sceaux. — Rouillé sans caractère près l’électeur de Bavière ; son caractère et ses emplois. — Progrès des mécontents. — Ragotzi élu prince de Transylvanie. — Des Alleurs. — Subsides. —