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quand on a fait un mariage, et le dire entre bas et haut devant sa belle-fille.

Saint-Amant, son père, qui se prêtoit à tout pour leurs dettes, l’apprit enfin, et s’en trouva si offensé qu’il ferma le robinet. Sa pauvre fille n’en fut pas mieux traitée ; mais cela ne dura pas longtemps. Son mari, qui s’étoit fort distingué à la bataille d’Hochstedt, mourut, au commencement d’octobre, à Thionville ; on dit que ce fut de la petite vérole. Il avoit un régiment, était brigadier et sur le point d’avancer. Sa veuve, qui n’eut point d’enfants, était une sainte, mais la plus triste et la plus silencieuse que je vis jamais. Elle s’enferma dans sa maison, où elle passa le reste de sa vie, peut-être une vingtaine d’années, sans en sortir que pour aller à l’église et sans voir qui que ce fût.

Coigny, dont j’ai assez parlé pour n’avoir plus rien à en dire, avoit passé le Rhin avec son corps destiné sur la Moselle, lorsque le maréchal de Villeroy le passa après le malheur d’Hochstedt, et nos armées prêtes à rentrer en Alsace.

Il fut renvoyé avec son corps sur la Moselle. Il n’avoit pu se consoler de n’avoir pas compris l’énigme de Chamillart, et d’avoir, sans le savoir, refusé le bâton en refusant d’aller en Bavière. Marsin l’avoit eu en sa place. Depuis l’hiver que Chamillart lui avoit achevé de dévoiler un mystère que le bâton de Marsin, déclaré à son arrivée en Bavière, lui avoit suffisamment révélé, il ne fit plus que tomber. Le chemin où il étoit, et l’espérance d’y revenir ne le put soutenir contre l’amertume de sa douleur. Il avoit déjà de l’âge. Il mourut sur la Moselle au commencement d’octobre, à la tête de ce petit corps qu’il y commandoit. Son fils fut plus heureux, et son petit-fils aussi, à qui on voit maintenant une si brillante fortune.

Précisément en même temps mourut aussi M. le maréchal de Duras, doyen des maréchaux de France, et frère aîné de huit ans de mon beau-père : c’étoit un grand homme maigre, d’un visage majestueux et d’une taille parfaite, le maître de