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avec elle en beaucoup de dettes que, soit ordre, comme on le crut, soit sagesse de la mère, elle étoit avec sa fille dans ses terres de Saintonge depuis plus de huit mois, et n’en revinrent que pour trouver M. de Mantoue à Paris. C’étoit Mlle d’Elbœuf que M. de Vaudemont vouloit lui donner, et dont il lui avoit parlé dès l’Italie, et pour elle que toute la maison de Lorraine faisoit les derniers efforts.

M. le Prince avoit une fille dont il ne savoit comment se défaire, enrichie des immenses biens de Maillé-Brézé, des connétables de Montmorency, sa mère et sa grand’mère héritières ; il avoit oublié la fille de La Trémoille et l’héritière de Roye dont il étoit sorti, et tous les autres mariages de seigneurs et de leurs filles faits par les diverses branches de Bourbon. Quelque grandement honorables qu’en fussent les alliances directes, elles étoient devenues si onéreuses pour les biens, et si fâcheuses dans les suites par les procédés, qu’il y avoit pour elles maintenant aussi peu d’empressement dans la première noblesse que de dédains nouveaux dans les princes du sang, ce qui rendoit leurs enfants difficiles à marier, surtout les filles. Outre que M. de Mantoue parut un débauché pour sa fille à M. le Prince, il avoit des prétentions sur le Montferrat pour une grosse créance sur la succession de la reine Marie de Gonzague[1], tante maternelle de Mme la Princesse, dont toute son industrie n’avoit jamais pu rien tirer depuis tant d’années, ballotté sans cesse entre la Pologne et la maison de Gonzague. Il espéroit donc se procurer le payement de cette dette de façon ou d’autre par sa fille devenant duchesse de Mantoue, si elle avoit des enfants, ou, si elle n’en avoit point, d’ajouter sa dot et ses droits à sa créance, et, par l’appui de la France, mettre le Montferrat dans sa maison. Il expliqua au roi ses vues et son dessein, qui lui permit de les suivre et qui lui promit de l’y servir de toute sa protection.

  1. Marie de Gonzague, et non Mme de Gonzague, comme en fit dans les précédentes éditions, avait été reine de Pologne.