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attendant les secours de Hollande et d’Angleterre. Il faut dire, avant que d’aller plus avant, un mot d’Espagne pour l’intelligence de ce qui va suivre.

Le prince de Darmstadt, qui avoit été à la cour de Charles II, comme on l’a vu en son lieu, et qui y avoit été si bien avec la reine sa dernière femme, s’étoit embarqué sur la flotte avec l’archiduc lorsque ce prince alla en Portugal, et avec une partie projeta de surprendre Cadix, qu’il savoit fort dégarni de toutes choses. Un marchand françois, armé pour les îles de l’Amérique, moitié guerre moitié marchandises, mais qui pour son commerce y portoit sur deux gros bâtiments beaucoup de munitions de guerre, d’armes et assez d’argent, se trouva dans ces mers, et vit à la manœuvre de l’escadre le dessein sur Cadix. Il força de voiles, y entra en présence de l’escadre, débarqua toute sa cargaison, mit ainsi la place en état de se défendre, qui, faute d’armes et de munitions et d’argent, ne pouvoit autrement résister, et demeura dedans.

Darmstadt n’ayant donc pu réussir dans son dessein, après l’avoir inutilement tenté pendant plusieurs jours, mit pied à terre et pilla les environs de terre ferme. Les communes s’assemblèrent sous le capitaine général du pays, les évêques voisins se surpassèrent par le prompt secours de monde et d’argent ; en un mot, après un mois de courses où les Anglois perdirent bien du monde, il fallut se rembarquer, et encore à grand’peine et faire voile vers le Portugal.

On a vu les négligences d’Orry, et ce nonobstant comme Puységur en répara tout ce qui fut possible, et les succès du duc de Berwick sur la frontière de Portugal. Les chaleurs séparèrent les armées, qui mirent en quartier d’été.

Berwick, Villadarias ni Serclaës, dénués de tout par cette même négligence d’Orry, n’avoient pu pourvoir à tout, ni porter leurs troupes partout où elles auroient été nécessaires. Gibraltar, cette fameuse place qui commande à l’important détroit de ce nom, avoit été pourvue comme les autres, c’est-àdire qu’il n’y avoit