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débris, et il l’exécuta sans être poursuivi.

Marlborough lui-même étoit surpris d’un si prodigieux bonheur, le prince Eugène ne le pouvoit comprendre, le prince Louis de Bade, à qui ils le mandèrent, ne se le pouvoit persuader, et fut outré de n’y avoir point eu de part. Il leva suivant leur avis, le siège d’Ingolstadt qui, après un événement aussi complet ne se pouvoit soutenir et tomberoit de soi-même. L’électeur fut presque le seul à qui la tête ne tourna point, et qui proposa peut-être le seul bon parti à prendre : c’étoit de se maintenir dans son pays à la faveur des postes et des subsistances commodes et abondantes. On sentit trop tard la faute de ne l’avoir pas cru. Son pays, livré à soi-même et soutenu de peu de ses troupes, se soutint tout l’hiver contre toutes les forces impériales. Mais notre sort n’étoit pas de faire des pertes à demi, l’électeur ne put être écouté ; on ne songea qu’à se retirer sur l’armée du maréchal de Villeroy et à la joindre. Les ennemis n’y apportèrent pas le moindre obstacle, ravis de voir prendre à nos armées un parti d’abandon auquel, après leur victoire, ils auroient eu peine à les forcer. Cette jonction se fit donc, si différente des précédentes, le 25 août, à Doneschingen, où l’armée du maréchal de Villeroy s’étoit avancée. Chamarande y amena tout ce qu’il avoit été ramasser à Augsbourg, Ulm, etc., et Marsin ne ramena pas plus de deux mille cinq cents soldats et autant de cavaliers, dont dix-huit cents démontés, de l’armée de Tallard, qui perdit trente-sept bataillons, savoir : les vingt-six qui se rendirent prisonniers de guerre à Bleinheim, et onze tués et mis en pièces ; la gendarmerie en particulier, et en général presque toute la cavalerie de Tallard fut accusée d’avoir très mal fait. Ils tirèrent au lieu de charger l’épée à la main, ce que fit la cavalerie ennemie, qui avoit auparavant coutume de tirer ; ainsi l’une et l’autre changea son usage et prit celui de son ennemi, qui fut une chose très fatale. Enfin nos armées arrivèrent, le dernier août, sous le fort de Kehl, au bout