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quoi qu’il pût arriver. Comme il y poussoit à toute bride avec Silly et un gentilhomme à lui, tous trois seuls, il fut reconnu, environné, et tous trois pris.

Pendant tous ces désordres, Blansac étoit dans Bleinheim, qui ne savoit ce qu’étoit devenu Clérembault, disparu depuis plus de deux heures. C’est que, de peur d’être tué, il étoit allé se noyer dans le Danube. Il espéroit le passer à la nage sur son cheval, avec son valet sur un autre, apparemment pour se faire ermite après ; le valet passa et lui y demeura. Blansac donc, sur qui le commandement rouloit en l’absence de Clérembault qui ne paraissoit plus sans que personne sût ce qu’il étoit devenu, se trouva fort en peine de l’extrême désordre qu’il voyoit et entendoit, et de ne recevoir aucun ordre du maréchal de Tallard. L’éparpillement que cause une confusion générale fit que Valsemé, maréchal de camp, et dans la gendarmerie, passa tout près du village, en lieu où Blansac le reconnut ; il cria après lui, y courut et le pria de vouloir bien aller chercher Tallard, et lui demander ce qu’il lui ordonnoit de faire et de devenir. Valsemé y fut très franchement, mais en l’allant chercher il fut pris ; ainsi Blansac demeura sans ouïr parler d’aucun ordre ni d’aucun supérieur. Je ne dirai ici que ce que Blansac allégua pour une justification qui fut également mal reçue du roi et du public, mais qui n’eut point de contradicteurs, parce que personne ne fut témoin de ce qui se passa à Bleinheim que ceux qui y avoient été mis, que les principaux s’accordèrent à un même plaidoyer, et que la voix de ces vieux piliers de bataillons qui perça ne fit pourtant pas une relation suivie, sur laquelle on pût entièrement compter, niais qui fut assez forte pour accabler à la cour, et dans le public, les officiers principaux à qui ils furent obligés d’obéir. Ceux-là donc, au milieu de ces peines et livrés à eux-mêmes, s’aperçurent que la poudre commençoit à manquer, que leurs charrettes composées s’en étoient allées doucement sans demander congé à personne, que quelques