Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/311

Cette page n’a pas encore été corrigée

bons, et le dernier meilleur, on en prit un troisième : ce fut de leur laisser un grand espace entre nos troupes et le ruisseau, et de leur laisser passer à leur aise pour les culbuter après dedans, dit-on. Avec de telles dispositions, il n’étoit point possible de douter que nos chefs fussent frappés d’aveuglement.

Le Danube couloit assez près de Bleinheim, qui eût été un appui de la droite, en s’en approchant, meilleur que ce village, et qui n’avoit pas besoin d’être gardé.

Les ennemis arrivèrent le 13 août, se portèrent d’abord sur le ruisseau, et y parurent presque avec le jour. Leur surprise dut être grande d’en aviser nos armées si loin, qui se rangeoient en bataille. Ils profitèrent de l’étendue du terrain qu’on leur laissoit, passèrent le ruisseau presque partout, se formèrent sur plusieurs lignes au deçà, puis s’étendirent à leur aise sans recevoir la plus légère opposition. Voilà de ces vérités exactes, mais sans aucune vraisemblance, et que la postérité ne croira pas. Il étoit près de huit heures du matin quand toute leur disposition fut faite, que nos armées leur virent faire sans s’émouvoir. Le prince Eugène avec son armée avoit la droite, et le duc de Marlborough la gauche avec la sienne, qui fut ainsi opposée à celle du maréchal de Tallard. Enfin elles s’ébranlèrent l’une contre l’autre, sans que le prince Eugène pût obtenir le moindre avantage sur Marsin, qui au contraire en eut sur lui, et qui étoit en état d’en profiter sans le malheur de notre droite. Sa première charge ne fut pas heureuse. La gendarmerie ploya, et porta un grand désordre dans la cavalerie qui la joignoit, dont plusieurs régiments firent merveilles. Mais deux inconvénients perdirent cette malheureuse armée : la seconde ligne, séparée de la première par la fondrière de cette fontaine, ne la put soutenir à propos, et par le long espace qu’il falloit marcher pour gagner la tête de cette fondrière et en faire le tour, le ralliement ne se put faire parce que les escadrons des deux lignes ne purent passer dans les intervalles les uns des autres, ceux