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et d’y voir échapper les débris de la cavalerie impériale et ces six bataillons qui l’avoient sauvée. Lui et Villars avec leurs cris de victoire rendirent un nouveau courage à notre infanterie, devant laquelle, après plusieurs charges, celle des ennemis se retira et fut assez longtemps poursuivie. Villars paya d’effronterie ; et Magnac n’osa conter leur bizarre aventure que tout bas ; mais quand il vit que Villars se donnoit tout l’honneur, et plus encore quand il lui en vit recevoir la récompense sans y participer en rien, il éclata à l’armée, puis à la cour, où il fit un étrange bruit ; mais Villars, qui avoit le prix de la victoire et Mme de Maintenon pour lui, n’en fit que secouer l’oreille. On verra parmi les Pièces le compte qu’il en rendit au roi, aussitôt après l’action, qui s’appela la bataille de Friedlingen, qu’il ajuste comme il peut[1]. Outre Desbordes, lieutenant général tué, Chavanne, brigadier d’infanterie, le fut aussi ; et parmi les blessés, le duc d’Estrées, Polignac, Chamarande, lieutenant général, Coetquen et le fils du comte du Bourg, la plupart légèrement.

Villars, qui sentit le besoin qu’il avoit d’appui, fit un trait de courtisan. Le lendemain de la bataille, il fut joint par quelques régiments de cavalerie de ce qui restoit autour de Strasbourg, que Catinat lui envoyoit encore. De ce nombre étoit le comte d’Ayen ; Villars lui proposa de porter au roi les drapeaux et les étendards, et le comte d’Ayen l’accepta, malgré tout ce que Biron lui put dire du ridicule de porter les dépouilles d’un combat où il ne s’étoit point trouvé. Mais tout étoit bon et permis au neveu de Mme de Maintenon, dont la faveur n’empêcha pas la huée de toute l’armée, dont les lettres à Paris se trouvèrent pleines de l’aventure de Magnac et de moqueries sur le comte d’Ayen. Mais elles arrivèrent trop tard, leur affaire étoit faite. Choiseul, qui avoit

  1. Voy. page 11, parmi les Pièces, la lettre de Villars au roi. (Note de Saint-Simon.) On trouvera cette lettre à. la fin du voiume.