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Maintenon. Quelquefois le roi l’appeloit et lui parloit ainsi en allant, et il étoit toujours bien reçu et bien écouté, et paraissoit fort libre avec le roi en l’approchant, et le roi avec lui. Il voyoit aussi, et quand il vouloit, Mme de Maintenon en particulier, et il étoit d’autant mieux avec elle, qu’elle étoit plus mal avec Louvois. Après sa mort, et Barbezieux en sa place, Augicourt vécut et fut toujours traité comme il l’avoit été jusqu’alors ; il ne craignoit point de rencontrer ces ministres ni leurs parents, et ce fut un grand crève-cœur pour Louvois et pour Barbezieux ensuite et pour tous les Tellier, de voir cet homme se conserver sur le pied où il était. Du reste, haï, craint, méprisé comme le méritoit sa conduite avec M. de Louvois, soupçonné d’être rapporteur, et personne ne voulant se brouiller pour Augicourt avec les Tellier qui l’abhorroient, il n’entroit dans aucune maison de la cour que chez Livry et chez M. le Grand, qui étoient des maisons ouvertes, où on jouoit dès le matin, toute la journée et fort souvent toute la nuit. Augicourt étoit gros joueur et net, mais de mauvaise humeur, et au lansquenet, public il jouoit chez Monsieur avec lui, et à la cour avec Monseigneur. En aucun temps, il ne fréquenta aucuns ministres ni aucuns généraux d’armée : il étoit assez, vieux et point marié.

Verac venoit de mourir depuis peu. Il s’appeloit Saint-Georges, et il était homme de qualité : la lieutenance générale de Poitou, où il avoit des terres, fit sa fortune. Il avoit été huguenot. Lui et Marillac, intendant de Poitou, lors de la révocation de l’édit de Nantes et des barricades qui furent exercées contre les huguenots, tous deux crurent y trouver leur fortune, tous deux se signalèrent en cruautés, en conversions, tous deux donnèrent le ton aux autres provinces, tous deux en obtinrent ce qu’ils s’en étoient proposé. Verac en fut chevalier de l’ordre en 1688, et Marillac conseiller d’État, par une grande préférence sur ses anciens : il en a joui jusqu’à être doyen du conseil, mais il a vu mourir ses