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servir utilement en beaucoup de choses, démêla celui-ci dans les troupes, qui, sans bien, n’espérant pas d’y faire aucune fortune, consentit volontiers à quitter son emploi pour entrer chez M. de Louvois. Il n’y fut pas longtemps sans être employé ; il s’acquitta bien de ce dont il était chargé, et mérita de l’être d’affaires secrètes et d’autres à la guerre en différentes occasions. Il y fit bien les siennes et parvint à une grande confiance de M. de Louvois, qui le fit connoître au roi avec qui ces affaires secrètes lui procurèrent divers entretiens pour lui rendre un compte direct ou recevoir directement ses ordres. La bourse grossissoit, mais ce métier subalterne qui ne menoit pas à une fortune marquée dégoûta à la fin un homme gâté par la confiance d’un aussi principal ministre qu’étoit Louvois et qui se mêloit de tout, et par quelque part aussi en celle du roi, et un homme devenu audacieux et né farouche. Après un assez long exercice de ce train de vie, il fut accusé de faire sa cour au roi aux dépens du maître qui le lui avoit produit. Quoi qu’il en soit, M. de Louvois le chassa de chez lui avec éclat et s’en plaignit, mais sans rien articuler de particulier, comme du plus ingrat, du plus faux, du plus indigne de tous les hommes.

Augicourt fut aussi réservé en justification que M. de Louvois en accusation. Il se contenta de dire qu’il l’avoit bien servi, mais qu’il n’y avoit plus moyen de durer avec lui. Le roi ne se mêla point du tout de cette rupture, mais il continua toujours de le voir en particulier et de s’en servir en plusieurs choses secrètes. Il ne lui prescrivit rien à l’égard de Louvois, le laissa paroître publiquement à la cour et partout, lui augmenta de temps en temps ses bienfaits publiquement, mais par mesure. En secret, il lui donnoit gros souvent, lui faisoit toutes les petites grâces qu’il lui pouvoit faire, et assez volontiers à ceux pour qui il les demandoit. Outre les audiences secrètes, Augicourt parloit au roi très souvent et longtemps, allant à la messe ou chez Mme de